La France vient de suspendre sa réforme des retraites. L’annonce de Sébastien Lecornu, quelques jours après sa nomination à Matignon, a interrompu l’application du relèvement progressif de l’âge légal à 64 ans, instauré par la loi de 2023. La mesure, présentée comme un « moratoire » jusqu’à janvier 2028, a permis au Premier ministre d’éviter une censure parlementaire, mais elle place le pays dans une position singulière face à une Europe qui, elle, continue de retarder l’âge du départ.
Partout sur le continent, la tendance est claire : le recul de l’âge légal devient la règle. Selon les données de Toute l’Europe, la majorité des États membres se situent désormais entre 65 et 67 ans, et plusieurs ont déjà prévu de franchir de nouveaux caps.
En Belgique, l’âge légal passe à 66 ans puis 67 ans au début des années 2030 (66 ans pour les générations 1960-1963, 67 ans pour les 1964 et suivantes).
En Allemagne, la transition vers 67 ans est en cours pour les générations nées après 1964.
En Espagne, l’âge légal est 65 ans pour les carrières complètes (38 ans et 3 mois de cotisation), 66 ans et 8 mois sinon ; en Italie, il est déjà fixé à 67 ans.
Le Danemark, pionnier en la matière, prévoit 70 ans en 2040, en ajustant automatiquement l’âge à l’espérance de vie.
Dans ce panorama, la France, avec ses 62,5 ans d’ouverture des droits et 64 ans pour la génération née en 1968, fait figure d’exception. La réforme de 2023 l’avait replacée dans la moyenne européenne ; la suspension décidée par Lecornu II la ramène mécaniquement parmi les pays où l’on part le plus tôt.
Un équilibre démographique sous tension
Tous les États européens affrontent la même équation démographique. Toute l’Europe rappelle qu’en 2050, il n’y aura plus que deux personnes en âge de travailler pour un retraité, contre trois aujourd’hui. La population de l’Union, qui culminera à 453 millions d’habitants en 2026, devrait ensuite décroître, pour atteindre 419 millions à la fin du siècle.
Ce vieillissement fragilise les régimes par répartition, où les actifs financent les pensions. Pour contenir le déséquilibre, deux leviers existent : travailler plus longtemps ou financer autrement.
Lecornu II a choisi, au moins temporairement, de relâcher le premier levier. Ce geste apaise les tensions sociales, mais il reporte la question de la soutenabilité. Le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), cité par Le Figaro, notait déjà qu’il faudrait porter l’âge de départ à 65,9 ans en 2045 et 66,5 ans en 2070 pour équilibrer le système sur la seule base de l’âge.
L’âge officiel ne dit pas tout
Les chiffres de l’âge « légal » masquent de fortes disparités.
L’âge effectif de départ – celui où les travailleurs cessent réellement leur activité – demeure plus bas partout en Europe. D’après Silver Éco et Euronews, les Européens quittent le marché du travail autour de 62 à 63 ans en moyenne : 62,3 pour les femmes, 62,6 pour les hommes.
Les écarts restent marqués : on part encore avant 60 ans au Luxembourg, en Slovaquie ou en Croatie, mais à près de 65 ans en Estonie, au Portugal ou en Suède.
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