Dans l’hémicycle du Parlement, certains élus écologistes plaident pour un boycott des produits israéliens… y compris des médicaments. Problème, en l’occurence : TEVA fabrique des traitements vitaux, parfois introuvables ailleurs. Et même le ministre Vandenbroucke, pourtant prompt à sanctionner Israël sur d’autres terrains, rappelle une évidence : on ne joue pas avec la vie des patients.
La scène se déroule en commission Santé de la Chambre. Le député écolo-groen Jeroen Van Lysebettens relance une idée qu’on croirait sortie d’un campus militant : pousser les hôpitaux à boycotter les médicaments israéliens, en particulier ceux du géant pharmaceutique TEVA. Objectif affiché : ne pas être « complice » d’Israël.
Sauf qu’il y a un détail que les partisans du boycott semblent oublier : TEVA n’est pas un vendeur de t-shirts, mais l’un des premiers fournisseurs de médicaments essentiels dans nos hôpitaux. Anti-épileptiques, traitements contre la douleur, chimiothérapies pédiatriques… Dans plusieurs cas, il n’existe tout simplement pas d’autre fournisseur capable d’alimenter le marché belge.
Médicaments : la ligne rouge
Et c’est là que tombe la réponse très factuelle du ministre Frank Vandenbroucke. Oui, on peut sanctionner Israël sur le plan économique ou diplomatique. Oui, la Belgique travaille déjà à une interdiction des produits issus des colonies, à la suspension d’accords commerciaux et même à l’exclusion d’Israël de programmes de recherche européens. Mais dans le domaine des médicaments, la ligne rouge est claire : la santé publique ne sert pas de champ de bataille idéologique.
Trois arguments du ministre sont impossibles à balayer d’un revers de main :
- Le droit international interdit explicitement de sanctionner l’accès aux médicaments, même en temps de guerre. C’est valable pour la Russie, cela l’est aussi pour Israël.
- Boycotter TEVA reviendrait à priver des patients belges de traitements vitaux, faute d’alternatives disponibles.
- Sur le plan juridique, TEVA n’est impliquée dans aucune violation des droits de l’homme documentée : l’entreprise ne figure sur aucune liste noire de l’ONU.
On peut résumer le dilemme ainsi : faut-il afficher une vertu politique… au prix d’un risque sanitaire réel pour des patients belges, dont des enfants sous chimiothérapie ? À ce stade, certains hôpitaux militants boycotteraient déjà TEVA. Libre à eux, répond le ministre, mais qu’il soit bien clair : l’éthique qui met des malades en danger cesse d’être de l’éthique.
“Le débat révèle une tentation inquiétante : transformer la médecine en tribunal moral, au mépris de la finalité même du système de soins – soigner”
Car au fond, le débat révèle une tentation inquiétante : transformer la médecine en tribunal moral, au mépris de la finalité même du système de soins – soigner. Ce que Vandenbroucke rappelle avec une certaine froideur : le rôle d’un État n’est pas de punir via les pharmacies, mais de garantir l’accès aux traitements.
Chacun jugera du courage ou de la déconnexion de ceux qui voudraient faire de la santé publique un instrument de guerre symbolique. Mais une chose est sûre : si la morale devient prioritaire sur la médecine, ce sont toujours les patients qui paient l’addition.
Et ils n’ont pas demandé à servir de cobayes dans une croisade militante.
A.G.