Le rail belge s’apprête à vivre une nouvelle série de perturbations majeures. À partir du dimanche 23 novembre à 22h00, les syndicats des cheminots mèneront une grève de trois jours — un mouvement qui pourrait n’être qu’un prélude à un conflit social de plus grande ampleur. En effet, les organisations syndicales menacent déjà de prolonger la mobilisation pour une semaine supplémentaire si le gouvernement confirme son intention de déposer au Parlement ses réformes des pensions et du statut du personnel de la SNCB.
Réunis jeudi à Bruxelles en front commun élargi (CGSP, CSC, SLFP, SACT et SIC), les représentants des travailleurs du rail ont fustigé ce qu’ils qualifient de “trajectoire d’austérité brutale” imposée par l’équipe Arizona (N-VA, Vooruit, CD&V, Engagés et MR). “Comment attirer de nouveaux voyageurs tout en économisant 675 millions d’euros à la SNCB ?”, s’est insurgé Pierre Lejeune, président de la CGSP Cheminots, dénonçant un “régime sec” gouvernemental qui, selon lui, “mine le climat social”.
Des réformes contestées
Au cœur du mécontentement, plusieurs réformes sensibles. D’abord, la réforme des pensions, jugée comme une “harmonisation vers le bas” par les syndicats. L’âge de départ, actuellement fixé à 55 ans sous certaines conditions, passerait à 67 ans en 2027, tandis que le calcul des pensions ne se ferait plus sur les quatre dernières années de carrière, mais sur l’ensemble du parcours professionnel.
Ensuite, la réforme du statut des cheminots, prévue pour 2028, inquiète largement. Le gouvernement entend généraliser les contrats à durée déterminée, mettant fin au statut de fonctionnaire, perçu par les syndicats comme une garantie de stabilité et d’indépendance. “Ce statut, c’est une promesse de l’État, et elle doit être respectée”, martèle Peter Cools, du SLFP.
Enfin, la perspective de la libéralisation du rail, fixée par l’Union européenne à 2032, ravive les craintes. Joachim Permentier (SIC) redoute que cette ouverture du marché ne serve “qu’une logique financière”, au détriment des voyageurs et du service public.
Les navetteurs pris en otage
Les conséquences de ce conflit s’annoncent lourdes pour des dizaines de milliers de navetteurs. Bien qu’un service minimum soit prévu, l’enchaînement des journées de grève rendra les trajets quotidiens imprévisibles, renforçant la frustration des usagers et entamant davantage la crédibilité du transport ferroviaire. Pour beaucoup, ces perturbations pourraient faire basculer durablement la balance vers la voiture, au détriment des ambitions de mobilité durable.
En conclusion de la conférence de presse, Pierre Lejeune a admis qu’aucune date précise n’était encore fixée pour la semaine supplémentaire de grève. “Tout dépendra de l’évolution politique”, a-t-il expliqué. “Si ce gouvernement tombe, alors cette grève pourrait ne jamais avoir lieu.”
D’ici là, les trains risquent bien de rester au centre d’un vaste bras de fer social.
Demetrio Scagliola
(Photo Belgaimage)