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Bruxelles, du nœud gordien à la faillite, de la faillite à la disparition (Opinion)

par Contribution Externe

Cette fois, ça y est ! Le blocage est total. Les commentateurs font enfin état de l’impossibilité de dégager quelque accord que ce soit dans le cadre des institutions telles qu’elles existent. On reconnaît que le millefeuille, la machine à gaz imaginée en 1988 par Dehaene et Moureaux, ne peut plus fonctionner. Ce système, que l’on ne peut que comparer à la Constitution libanaise, est aujourd’hui totalement obsolète, étouffé sous le poids de ses garanties et sous-garanties offertes tous azimuts. N’oublions pas que cette « maison du Facteur Cheval » n’était rien d’autre que la contrepartie du maintien de la parité linguistique au sein du gouvernement fédéral. Les Bruxellois, et eux seuls, l’ont payée au prix fort. On sait ce que le Liban est devenu : il n’y a plus d’État, il n’existe qu’une vaste entreprise de kleptocratie où chacun se sert tant qu’il reste quelque chose à plumer. On y va à toute vitesse.

La seule réussite de la Région bruxelloise est d’avoir, grâce à sa myriade de mandats, offert de grasses sinécures à une foule de malheureux qui, sans leurs fonctions, seraient restés pour la plupart, au mieux, des infrasalariés ou des assistés sociaux. Il suffit de relire l’article du New York Times, que fort peu de commentateurs ont évoqué, pour comprendre que c’est au niveau de la production de mandats des plus divers et variés que la Région bruxelloise est une immense, une incomparable réussite.

Pour le reste, la Ville-Région devient une zone de sous-développement. Le Soir de ce matin rappelait, avec une cruauté polie, les chiffres essentiels :

Déficit budgétaire : 1,4 milliard d’euros
Dette : 14,5 milliards d’euros
Budget : 7,6 milliards d’euros
Différentiel 2024 entre dépenses et recettes : 211 %
J’ajoute que, toutes choses restant égales, le différentiel serait de 283 % en 2028 !

Et, malgré ces chiffres hallucinants, on papote, on discute, on titille, on soupèse, on évalue, on se partage les postes, et là où ils n’existent pas, on les invente… « Vous prendrez bien un commissaire du gouvernement en plus ?… ou, si vous le souhaitez, on peut y ajouter un secrétaire d’État… On vous ajoutera une personne issue de la société civile, ça fait sérieux… non ? On n’en parlera à personne, mais si vous voulez, on vous ajoutera quelques mandats juteux d’intercommunales ou de participations dans divers conseils d’administration où la Région est représentée — il en est qui rapportent 50 000 euros par an, ça vaut le coup… » « Est-ce que cela vous convient ? »

Vous rigolez, vous vous dites que j’exagère. Alors je vous invite à relire les diverses propositions qui se sont succédé, et en particulier la dernière, celle que De Gucht a qualifiée de kafkaïenne, digne de Magritte. Je suppose qu’il faisait allusion au tableau Ceci n’est pas une pipe… Comme la proposition d’Yvan Verougstraete n’était pas un gouvernement, pas même un gouvernement Canada Dry, car il n’en avait ni le goût ni l’odeur, juste un puant remugle de décomposition avancée — avancée à un point tel qu’aucune autopsie n’est possible. Pourtant, ce mercredi 10 septembre, après quinze mois de blocage, De Gucht propose de prendre l’initiative d’une nouvelle négociation… Je suppose qu’il veut rigoler un bon coup.

Alors, maintenant court dans les rédactions la rumeur d’un retour aux urnes ! Idée intéressante, mais impossible : les textes n’ont pas envisagé cette hypothèse. Alors ce sera niet ! J’ajoute que cela n’aurait fondamentalement rien changé. Le PS, ayant pris un virage essentiellement communautaire et confessionnel, bénéficiera toujours de son matelas de voix glanées dans les mosquées et les ghettos : c’est là qu’il croit avoir trouvé son néoprolétariat — amusant pour des gens qui, pendant 150 ans, ont reproché aux catholiques d’aller pêcher leurs électeurs dans les églises. Le PS disposera donc de la capacité de maintenir son veto suicidaire sur la N-VA. Le MR souffrira sans doute quelque peu des mesures prises par l’Arizona. La seule évolution envisageable serait l’effondrement d’Ahidar dont, après quelques mois, plusieurs élus ont pris leurs jambes à leur cou. Mais rien n’est certain. J’ai été stupéfait de lire, dans le billet du Soir du 5 septembre, le professeur Vincent De Coorebyter écrire, s’agissant d’Ahidar, que « … même si le communautarisme de la Team Fouad Ahidar n’est pas avéré. » Heureusement, j’étais assis. Énorme, mais vrai ! Et très inquiétant. Mais aussi éclairant, peut-être, d’un jour nouveau la désignation de Rima Hassan en qualité de marraine d’une promotion de juristes de l’ULB… Dans son cas aussi, l’antisémitisme n’est-il sans doute pas avéré ?

Si le gouvernement fédéral avait l’intention — ce dont je doute — de modifier la loi spéciale, il devrait, non seulement, pour ce faire, obtenir une majorité des deux tiers, mais aussi une majorité dans chaque groupe politique. Aucune chance.

La conclusion est donc évidente : même si, par extraordinaire, une solution était trouvée, elle ne pourrait déboucher que sur une équipe bancale, composée de gens aux objectifs diamétralement opposés. Aujourd’hui, c’est inévitable.

L’image de Bruxelles sur le plan international est lamentable. Il y eut Le Nouvel Observateur, puis le New York Times, le grand dossier du Figaro, une multitude d’articles de presse décrivant la Ville-Région comme une république bananière, capitale formelle, mais non légale, de l’Europe en pleine dérive, dévorée par le cancer du narcotrafic, des ghettos, de la petite et de la grande criminalité, et, dominant le tout, par l’incompétence de ses dirigeants. Il est courant d’entendre, sur les chaînes de télévision ou de radio étrangères, citer Bruxelles comme exemple à ne pas suivre. J’ai déjà évoqué les agences de tourisme qui, sur le plan qu’elles remettent à leur clientèle, dessinent les quartiers à éviter. Hier encore, Bruxelles, sur une chaîne française, était qualifiée de capitale d’un État qui n’a jamais été une nation, qui est aujourd’hui un État en pleine déliquescence — une déliquescence dont Bruxelles est le pitoyable fleuron.

Comment est-il possible que les 19 bourgmestres s’opposent à la fusion des zones de police ? Une seule raison, je le répète, une seule : ne pas lâcher le moindre bout de gras ! On atteint le fond quand on entend le bourgmestre ff d’Evere, Ridouane Chahid, l’homme dont le cal de piété sur le front disparaît de ses affiches électorales, affirmer benoîtement, sans rire, que le fait de remettre l’armée dans les rues de Bruxelles est la démonstration de l’échec de la politique du ministre de l’Intérieur. M. Chahid fait du Trump, comme M. Jourdain dans Le Bourgeois gentilhomme faisait de la prose.

Il y a peu, je suis tombé par hasard sur une vidéo d’un personnage qui entendait remettre en cause la seconde phase de l’urbanisation de Tour et Taxis. À l’entendre, tous ces nouveaux appartements seraient construits exclusivement pour les riches ; il fallait construire du social et rien que du social. Ce pauvre type sait-il que 10 % des Bruxellois payent 90 % de l’impôt des personnes physiques, que c’est une énorme chance pour la Région et pour Molenbeek de faire venir des gens qui disposent de revenus et payent des impôts ? Or, nous sommes gouvernés à Bruxelles par des politiques qui se sont arrêtés à une lecture de Marx pour les nuls ! Ainsi, M. Trachte imposant, ou tentant d’imposer, le maraîchage urbain sur les toits des immeubles ! Vous ne le croyez pas ? Cela figure en toutes lettres dans le plan de gestion de Citydev. Elle finance, avec nos impôts, des projets agricoles ou horticoles dans les quelques champs qui subsistent dans la capitale. Cela ne sert à rigoureusement rien ! Elle réinvente les Ateliers nationaux de 1848 où, en France, des ouvriers au chômage creusaient des trous pour les reboucher aussitôt. Elle a fait un bond en arrière de 177 ans. Pas mal, cette vision du progrès qui fait une marche arrière de près de deux siècles.

Je pourrais poursuivre à l’infini. L’heure des comptes viendra, elle vient toujours… mais parfois très, très tard. Pour le reste, Bruxelles est une étoile morte : « ils » l’ont assassinée, la lumière brille toujours, mais cette Ville-Région n’existe plus… Les génies censés la gouverner en ont fait la démonstration. Ils en porteront collectivement la triste responsabilité.

Donc, ce sera, d’une manière ou d’une autre, avec ou sans gouvernement, le lent pourrissement jusqu’à la faillite, l’appel à l’aide du fédéral qui, dans sa composition actuelle, ne sera guère enclin à combler les abysses creusés par des gouvernants de mauvaises rencontres.

La Région et les ingérables communes qui en vivent disparaîtront, et j’ose dire… qu’elles ne me manqueront pas !

Merry Hermanus (contribution externe)

(BELGA PHOTO NICOLAS MAETERLINCK)

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