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Comptabilité créative à Bruxelles (Chronique)

par Luckas Vander Taelen

Des subventions européennes utilisées pour camoufler une dette qui ne cesse de gonfler… La créativité des gestionnaires de la Région bruxelloise risque de ne pas échapper aux agences de notation. Une chronique de Luckas Vander Taelen.

Le quotidien anglophone Brussels Times a publié la semaine dernière une révélation embarrassante pour la Région bruxelloise. Une subvention européenne destinée aux travaux du métro y aurait été gérée de manière créative. Le Times a appris que les services financiers voulaient utiliser l’argent européen non utilisé pour faire apparaître la dette totale comme moins importante. Apparemment, l’objectif était de faire apparaître la trésorerie de la région plus favorable qu’elle ne l’est en réalité.

L’hebdomadaire suggère que ce genre de « manœuvre acrobatique » dans les livres de Bruxelles est l’une des raisons pour lesquelles l’agence de notation de crédit Standard & Poor’s a dégradé la note de la région, rendant les emprunts plus coûteux.

La chienlit bruxelloise

Le ministre responsable, Sven Gatz (Open vld), dément l’histoire, arguant curieusement qu’« il n’est pas un technocrate ». Il y a toujours une odeur désagréable de falsification. Ce que cette histoire confirme surtout, c’est que personne, y compris le ministre, n’a encore la moindre prise sur une situation financière totalement hors de contrôle. Car le Brussels Times ne s’arrête pas à cet incident, mais dresse un tableau cinglant du fonctionnement de l’administration. 22 agences semi-autonomes et politisées font à peu près ce qu’elles veulent, sans avoir à rendre de comptes. La Cour des comptes a refusé d’approuver les comptes de six de ces agences parce que les données étaient tout simplement insuffisantes ou incorrectes.

Pendant une législature, le gouvernement régional n’a pas semblé se préoccuper du dégonflement des caisses. Les conséquences sont aujourd’hui douloureusement claires. La dette, qui était de 6,4 milliards d’euros il y a six ans, atteint aujourd’hui 15 milliards d’euros. Et le gouvernement, dans les affaires courantes, traîne l’un des déficits budgétaires les plus élevés d’Europe : un milliard et demi, soit environ 20 % des recettes.

Des déficits hors de contrôle

Le Brussels Times rappelle également des problèmes moins connus mais non moins désastreux auxquels le prochain gouvernement devra faire face : les pensions du personnel des urgences et de la propreté, par exemple. Celles-ci ne sont pas payées par le gouvernement fédéral, mais par son propre fonds d’investissement. Celui-ci n’est pas du tout géré en bon père de famille, puisqu’il ne dispose que d’environ 40 millions de réserves, alors qu’il en faudra un milliard d’ici 2046. Une véritable « bombe à retardement ». L’agence de l’eau Vivaqua accuse elle aussi déjà un déficit de plus d’un milliard. Et qui croit encore à l’avenir de la nouvelle ligne de métro ? Elle a déjà englouti près de 5 milliards, soit le double de ce qui était prévu.

Le prédécesseur de Gatz, Guy Van Hengel, lui-même gestionnaire des finances bruxelloises pendant dix ans, sait pourquoi il a fallu tant de temps pour avoir un gouvernement : les partis préfèrent jouer à cache-cache plutôt que d’assumer leurs responsabilités. Car le prochain gouvernement sera confronté aux dettes, aux déficits et à l’explosion des factures. Tout le monde répète qu’une politique d’austérité très dure sera inévitable.

Ajoutons à cela qu’en octobre, on peut s’attendre à un nouveau rapport de Standard & Poor’s qui dégradera très probablement à nouveau la note de la région bruxelloise. Cette nouvelle dégradation n’a toutefois pas suscité un sentiment d’urgence chez les dirigeants politiques. Les partis ne se sont même pas mis d’accord sur un budget d’urgence. Un « comité pour la prudence budgétaire » a été créé à cet effet, avec l’ambition de réduire quelque peu le déficit budgétaire. Le ministre Gatz voulait réaliser une économie de 400 millions d’euros, mais aucun accord n’a pu être trouvé sur ce point. Ils ne sont pas allés plus loin que le blocage des fonds inutilisés. Le gouvernement sortant doit maintenant continuer avec des douzièmes provisoires.

Même un Premier ministre sortant, assis dans sa région, devrait tirer la sonnette d’alarme et convoquer son gouvernement pour une réunion de crise au finish. Mais apparemment, Rudi Vervoort (PS) ne pense toujours pas que la situation est suffisamment grave pour suspendre  les vacances. Il est à craindre que ce manque de sérieux ne passe pas non plus inaperçu aux yeux de Standard & Poor’s…

Luckas Vander Taelen, chroniqueur 21News

(Photo Belga : James Arthur Gekiere)

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