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« Des hommes patibulaires, moitié islamistes, moitié voyous » : Boualem Sansal raconte son arrestation en Algérie

par Rédaction
Photo by Joël SAGET / AFP

Une semaine après sa libération et son retour en Europe, Boualem Sansal s’est longuement confié au Figaro. L’écrivain revient sur son arrestation et sa détention en Algérie, accusant le régime du président Tebboune de maltraiter ses prisonniers.

Libéré le 12 novembre, après un an jour pour jour passé dans les geôles du régime, il raconte la scène qui s’est jouée le 16 novembre 2024 à l’aéroport d’Alger. « Je m’y attendais, je le craignais, mais je n’y croyais pas », confie-t-il. Après plusieurs heures enfermé dans un bureau, « vers 1 h du matin, un groupe arrive : des hommes patibulaires, habillés moitié islamistes, moitié voyous de quartier. Ils sortent les menottes. […] Je me suis senti profondément humilié. […] On m’a passé la cagoule avant de m’embarquer dans une voiture ».

Commence alors une épreuve de six jours dans un lieu secret. Sans statut, « enlevé, kidnappé », il endure huit à dix heures d’interrogatoire quotidien. « Épuisant. Et j’avais peur », reconnaît l’écrivain. Il est ensuite présenté à un procureur qui le « traite comme un chien ». « Je n’entendais rien, on m’avait retiré mes appareils auditifs. Il me faisait avancer par paliers de cinq mètres… Je lui ai dit : “Ce n’est pas la peine que je vienne sur vos genoux, je suis quasiment sourdingue.” » Quelques jours plus tard, il est transféré à la prison de Koléa, tristement célèbre pour y accueillir des opposants politiques.

Un motif politique évident

Pour Sansal, le prétexte de son incarcération ne fait aucun doute : la reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara occidental, « obsession du régime d’Alger au même titre que la cause palestinienne », ainsi que son amitié avec l’ancien ambassadeur de France Xavier Driencourt, auteur deux ans plus tôt de L’Énigme algérienne.

En détention, les autres prisonniers le surnomment « La Légende » : « Pour eux, cela signifiait que j’étais un opposant soutenu par l’Europe, la France, les États-Unis… même la planète Mars. » L’écrivain dit avoir adressé de nombreuses lettres au président Abdelmadjid Tebboune, réclamant sa libération et dénonçant la maltraitance des détenus.

Contrairement à Nicolas Sarkozy, il n’envisage pas d’écrire un livre sur son année de captivité : « J’avais peur de m’apitoyer sur moi-même, du froid, de l’ennui… » Dans sa cellule, une télévision diffusait en continu les chaînes algériennes « où la France est toujours coupable » et où Jean-Luc Mélenchon, Mathilde Panot et Rima Hassan sont célébrés comme « d’excellents Français ».

Un dernier avertissement et un appel

Peu avant sa libération, un responsable lui adresse un sermon : « Il me dit que si je sortais, je devais en tirer les leçons et cesser de dénigrer notre pays. Je lui ai répondu que, si je retrouvais ma liberté, je retrouvais aussi celle de ma pensée. »

Aujourd’hui, l’ancien détenu appelle à la libération du journaliste français Christophe Gleizes, toujours incarcéré en Algérie. Bien qu’il compte s’établir en France, il prévoit de retourner au moins une fois en Algérie : « Je ne pourrais plus y vivre, les islamistes y ont trop de pouvoir. Mais je dois y retourner pour le symbole, et pour récupérer mon téléphone et mon ordinateur : vingt ans de travail, un morceau de ma vie. »

La rédaction

(Photo by Joël SAGET / AFP)

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