La multiplication des actes de violence commis par des mineurs ne relève plus du fait divers : elle constitue une réalité pérenne, massive et inquiétante. Dans une tribune publiée par Le Point, deux anciens membres du Conseil constitutionnel, Noëlle Lenoir et Jean-Éric Schoettl, dressent un constat sévère de l’impuissance publique face à cette délinquance juvénile croissante et dénoncent les obstacles que dresse la jurisprudence constitutionnelle aux tentatives de réformes.
Les exemples récents abondent : violences urbaines à Paris après la finale de la Ligue des champions, agressions à Jullouville, guets-apens à Limoges ou Béziers, règlements de comptes à Nîmes. Autant de scènes de « guérilla » qui se répètent bien au-delà des « territoires perdus de la République », notent les auteurs. Et le phénomène s’étend : de plus en plus de jeunes sont enrôlés comme sicaires par les trafiquants de drogue.
Cette évolution alarmante trouve ses racines dans une combinaison de facteurs : déstructuration du tissu social, pauvreté, parentalité défaillante, désintégration des cadres traditionnels de transmission des valeurs (famille, école, Église, syndicats…). À cela s’ajoutent l’influence délétère des réseaux sociaux, la consommation de drogues, l’effondrement du niveau scolaire, l’addiction aux écrans et l’exposition à des contenus violents dès le plus jeune âge.
Les auteurs n’éludent pas le rôle de l’immigration dans ce tableau. Ce n’est pas l’origine des personnes qui est en cause, mais « la panne d’intégration » dans des quartiers où se banalisent trafics, agressions, rodéos, incivilités, et où certaines bandes se structurent sur des bases ethniques. Ils ajoutent : « Nous avons importé des normes comportementales et religieuses d’autres aires civilisationnelles. » Cette fracture culturelle nourrit l’animosité contre la société d’accueil et ses symboles, tout en s’additionnant au vide spirituel d’une société française marquée par le déclin du christianisme et l’érosion de la morale universaliste républicaine.
Face à cela, l’appareil judiciaire apparaît figé. La récente censure par le Conseil constitutionnel, le 19 juin 2025, de plusieurs dispositions de la loi Attal, en fournit une illustration frappante. Cette loi visait à rendre plus effectives les sanctions à l’égard des mineurs délinquants en autorisant, dans des cas graves ou répétés, des comparutions immédiates, des audiences uniques ou encore un renversement de l’excuse de minorité. Des dérogations ciblées, mais jugées inconstitutionnelles au nom d’un « principe fondamental reconnu par les lois de la République » érigé en 2002.
Pour les deux auteurs, ce principe — la primauté absolue de l’éducatif sur le répressif dans la justice des mineurs — est aujourd’hui devenu un dogme contre-productif. Il n’a pourtant aucune base explicite dans la Constitution, relèvent-ils. Et surtout, il empêche toute adaptation du droit pénal des mineurs à la gravité des dérives actuelles. Or, affirment-ils, la sanction pénale n’est pas l’ennemie de l’éducation ; elle peut en être le préalable nécessaire.
Plus largement, ils dénoncent un « carcan de jurisprudences incapacitantes », françaises ou européennes, inspirées d’un « droits-de-l’hommisme abstrait », qui entrave les ministres de l’Intérieur et de la Justice, pourtant décidés à agir. Ils appellent à restaurer une séparation des pouvoirs plus équilibrée, dans laquelle la volonté générale puisse s’exprimer pleinement par la loi.
Cette tribune de Noëlle Lenoir a été publiée dans l’hebdomadaire Le Point.
(Photo Belgaimage)