Jean Gol, qui fut vice-premier ministre et président du PRL, le prédécesseur du Mouvement Réformateur (MR), s’est éteint tragiquement le 18 septembre 1995, en pleine force de l’âge. Pour honorer sa mémoire, quoi de mieux que de relire son livre Librement (1992), toujours d’actualité.
Pour Jean Gol, la vérité et le courage étaient des valeurs cardinales. Il écrivait : « L’avenir appartient à ceux qui diront aux citoyens les vérités, même les plus dures. » Il dénonçait – déjà – « l’impasse des finances publiques », « la rage taxatoire », expression qu’il avait popularisée ainsi que les allocations de chômage illimitées dans le temps. Trente ans plus tard, la réforme de ces dernières semble enfin sur le point de se concrétiser !
La « rage taxatoire » dénoncée
Il considérait que les syndicats et les mutualités constituaient « le seul pouvoir réel et permanent en Belgique ». Il prônait l’usage du référendum. Celui que l’on soupçonnait parfois d’être « rattachiste » (à la France) s’interrogeait aussi sur l’avenir de la Belgique. Il citait son mentor, cet autre géant de la politique belge, François Perin : « Il n’y a pas de place dans ce petit royaume pour deux nations : la belge et la flamande. » Il se demandait quel avenir choisiraient les francophones si les Flamands les poussaient hors de la Belgique. Un sujet moins aigu depuis que l’Écosse et la Catalogne ont démontré qu’il n’était pas si facile de faire sécession dans le cadre de l’Union européenne – un message compris « cinq sur cinq » par la N-VA.
Dans une époque marquée par la déconstruction des identités, il est pertinent de rappeler que Jean Gol dédiait son livre à ses parents et à sa fille. Il concluait : « Je viens d’avoir 50 ans et 20 ans de vie parlementaire. Le temps qui me sépare de la retraite est trop court pour le perdre à biaiser avec la réalité. » Trois ans plus tard, il nous quittait. Je lui dois mon entrée en politique – il fut mon trop bref mentor – et je lui ai dédié deux de mes livres.
Après Jean Gol, une rupture sur l’immigration
Si le MR s’inscrit dans la continuité de Jean Gol, avec un centre qui porte son nom, on ne peut cependant que constater une rupture nette sur la question de l’immigration entre le programme électoral du PRL de Jean Gol en 1995 et celui du MR par la suite – une rupture qui s’est prolongée pendant un quart de siècle.
Jean Gol plaidait pour une approche ferme : « Il faut prendre une batterie de mesures restrictives tendant à rendre effectif et étanche l’arrêt de toute nouvelle immigration et à en inverser le flux lorsque c’est possible. » Il s’opposait fermement à l’idée d’une société multiculturelle « si elle signifiait la création de communautés autonomes, véritables minorités nationales, au cœur de nos villes, c’est non, mille fois non ! »
Le programme immigration du PRL en 1995
Le programme du PRL (et du FDF, l’ancêtre de Défi !) lorsqu’il en était le président déplorait que « 100.000 candidats réfugiés soient entrés dans notre pays » en sept ans. Ils furent 40 000 rien que l’année dernière. Il dénonçait déjà l’usurpation du statut de réfugié politique. Il se félicitait d’avoir été « l’un des premiers dans le monde politique belge à percevoir la nécessité de resserrer les canaux d’immigration, prévenir les concentrations excessives d’immigrés difficiles à intégrer et décourager l’accès à notre territoire. » Il s’inquiétait « des intégristes qui ont même développé des réseaux terroristes dans notre pays ». Un discours visionnaire, voire prophétique !
À une époque où l’on pratiquait moins la langue de bois, il parlait de « l’effet loukoum » de la sécurité sociale belge, qu’il jugeait trop attractive pour les immigrés.
Le programme du PRL d’alors refusait l’octroi du droit de vote aux étrangers non européens (cédé par Louis Michel en 2004), ainsi que « l’acquisition automatique de la nationalité belge sans volonté d’intégration » (cédée dès 1999 par le gouvernement Verhofstadt-Michel). Il limitait l’accès à la sécurité sociale non contributive pour les étrangers hors Union européenne. Il prônait des « procédures de retours collectifs » (à l’époque on parlait de ‘charters’, on dirait sans doute ‘remigration’ aujourd’hui). Il prétendait étendre la loi Gol (!) qui permettait aux communes « de ne plus inscrire de nouveaux étrangers hors de la Communauté européenne ».
Israël – Rwanda
Il était aussi un grand supporter d’Israël. Peu avant sa mort, il avait rencontré Benjamin Netanyahu, alors leader de l’opposition à la Knesset, qui lui avait laissé une forte impression. Il est aussi le seul homme politique belge à avoir dénoncé le régime criminel d’Habyarimana, auteur du génocide des Tutsis en 1994 au Rwanda. Cela a compté dans mon ralliement au PRL.
Le MR de centre-gauche
Didier Reynders, qui fut quelques années président du MR entre Michel père et fils, avait un jour déclaré qu’en Flandre, le MR serait considéré comme de centre-gauche. Quel aveu ! Entre Jean Gol et Georges-Louis Bouchez – deux fortes personnalités au tempérament parfois colérique ! – le MR a traversé 25 ans durant lesquels son ambition semblait à la remorque du PS afin de récolter les miettes du pouvoir. La victoire électorale du MR en 2024, portée par la stratégie de rupture de Georges-Louis Bouchez, a-t-elle marqué la fin de cette trop longue parenthèse ? GLB est-il son véritable héritier ?
Alain DESTEXHE, Sénateur honoraire, a été mandataire du PRL puis du MR de 1995 à 2014
(Photo : Belga)