Présentée comme une mesure emblématique du gouvernement wallon, la réduction des droits de succession pourrait être repoussée, voire abandonnée. L’exécutif, confronté à un déficit structurel élevé, s’interroge sur l’opportunité de mener à bien une réforme aussi coûteuse à quelques années de l’équilibre budgétaire annoncé.
Le projet devait constituer un signal fort : alléger les taxes sur les héritages, considérées parmi les plus lourdes d’Europe. L’accord conclu entre le MR et Les Engagés prévoit une division par deux de la plupart des taux actuels – de 30 % à 15 % pour les successions entre parents et enfants, de 65 % à 33 % entre frères et sœurs, et jusqu’à 40 % pour les autres héritiers.
Initialement programmée pour janvier 2028, cette réforme devait s’appliquer à la toute fin de la législature. Mais les chiffres du déficit régional assombrissent la perspective : pour atteindre l’équilibre en 2029, la Wallonie devra réaliser environ 600 millions d’euros d’économies par an, soit plus du double de ce qui est prévu aujourd’hui. Les marges de manœuvre étant quasi inexistantes, la réforme devient l’une des principales variables d’ajustement possibles.
Dolimont temporise
Interrogé en marge de la présentation du budget 2026, le ministre-président Adrien Dolimont (MR) a reconnu qu’aucune décision n’était arrêtée : « Je n’ai pas de tabous », a-t-il confié, laissant entendre que le gouvernement pourrait moduler ou différer la mesure. Officiellement, sa volonté reste de la maintenir, mais la prudence domine.
L’exécutif wallon poursuit une trajectoire d’assainissement entamée sous la précédente législature : 270 millions d’économies structurelles en 2026, un effort identique à celui de 2025. Mais pour atteindre la cible de 2029, il faudra tripler le rythme, ce qui rend difficile toute baisse de recettes supplémentaires.
Des tensions dans la majorité
Si Les Engagés continuent de défendre la réforme, des doutes apparaissent chez leurs partenaires libéraux. Certains responsables du MR jugent qu’une réduction générale des taux n’est pas justifiée et qu’il serait plus raisonnable de se limiter aux héritages indirects, ceux entre collatéraux, où la fiscalité reste la plus élevée. D’autres estiment qu’une mise en œuvre progressive, étalée sur plusieurs années, serait plus réaliste.
Même au sein des Engagés, quelques voix s’élèvent pour interroger la pertinence d’une telle réforme dans le contexte actuel. La baisse généralisée des droits de succession priverait la Région de recettes importantes, au moment même où les dépenses sociales et climatiques augmentent.
Un calcul politique risqué
Pour l’opposition, cette prudence équivaut à un recul déguisé. Elle dénonce un calendrier « à la veille des élections » qui ferait peser le coût de la réforme sur la prochaine majorité. De fait, l’entrée en vigueur prévue en 2028 coïnciderait avec la dernière année de la législature, rendant son effet surtout symbolique.
Les observateurs estiment qu’un report pourrait éviter une crise ouverte entre le MR et Les Engagés, tout en laissant à chacun la possibilité de revendiquer la paternité du projet lors de la campagne 2029.
Une mesure en sursis
Pour l’heure, la réforme reste inscrite dans les textes, mais son avenir paraît incertain. Entre impératifs budgétaires et calculs politiques, la promesse d’alléger la « taxe sur la mort » semble suspendue à une équation simple : la Wallonie peut-elle encore se permettre une perte de recettes de plusieurs centaines de millions d’euros ?
Une chose est sûre : le débat sur la fiscalité successorale, longtemps présenté comme un marqueur d’équité, s’impose désormais comme un test de crédibilité pour une coalition contrainte à la discipline financière.
Hdb
(©PHOTOPQR/LE PARISIEN/ARNAUD DUMONTIER)