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Les vrais négationnistes du génocide sont sur les campus (Opinion)

par Contribution Externe

Les universitaires occidentaux ont sanctionné la Russie, excusent le Hamas et condamnent Israël. Quelle singulière inconséquence. Une opinion de Maarten Boudry, philosophe et auteur.

Les universités du monde entier subissent aujourd’hui des pressions, non seulement des étudiants mais aussi de membres du personnel académique, pour rompre leurs liens avec les institutions israéliennes en raison de la guerre à Gaza.

Aux États-Unis, une douzaine d’universités ont conclu des accords avec des militants et cédé partiellement à leurs exigences, notamment en désinvestissant des entreprises israéliennes. En Europe, des dizaines d’universités espagnoles et cinq universités norvégiennes ont décidé de couper tout lien avec des partenaires israéliens jugés « complices » de la guerre. Plusieurs universités belges ont suspendu leurs collaborations avec les établissements israéliens en raison de leurs coopérations avec l’armée (IDF).

Même sans boycott officiel, la pression des manifestations anti-israéliennes et du mouvement BDS a déjà conduit à une exclusion diffuse des chercheurs et étudiants israéliens. Plus de 60 universitaires ont témoigné de ce que cela représente concrètement : invitations annulées, articles rejetés pour des raisons politiques, collaborations gelées, conférences interrompues, co-auteurs qui se retirent.

Quels arguments justifient un tel boycott ? À l’Université de Gand (photo), une lettre ouverte signée par plus de 1.500 étudiants et membres du personnel – dont des dizaines de professeurs, principalement en sciences humaines – dénonce le « contraste » entre le traitement réservé à Israël et celui réservé à la Russie après l’invasion de l’Ukraine. Selon les signataires, Israël commet actuellement un « génocide » à Gaza, et toute coopération avec ses universités doit être suspendue « tant que la guerre continue ».

Pourtant, ce prétendu « contraste » est parfaitement défendable. L’Ukraine a été brutalement envahie par la Russie sans provocation ni menace militaire préalable, simplement parce que Poutine considère que ce pays est une « fiction » qui n’a pas le droit d’exister. Si des milliers de combattants ukrainiens avaient commis en janvier 2022 un massacre méthodique sur le sol russe, tuant 1 200 civils innocents et prenant 250 otages, alors seulement on pourrait parler de ressemblance. Comme souvent dans les textes pro-palestiniens, la lettre ouverte passe sous silence l’attentat terroriste du 7 octobre.

« L’accusation de génocide est obscène autant qu’infondée. »

Il faut aussi rappeler que presque toutes les universités russes ont exprimé un soutien explicite à l’invasion de l’Ukraine, via une déclaration de l’Union des recteurs russes signée par plus de 300 institutions.

Quant à l’accusation de génocide, elle est obscène autant qu’infondée. La mort tragique de civils comme conséquence non désirée d’objectifs militaires légitimes n’a rien à voir avec le massacre intentionnel et méthodique de populations civiles. On peut critiquer la stratégie militaire israélienne, s’interroger sur les mesures prises pour éviter les pertes civiles, mais il est absurde de prétendre que l’armée israélienne poursuit l’objectif inverse. Le seul acteur génocidaire dans ce conflit est le Hamas, qui, dans sa charte fondatrice, rêve de tuer le dernier Juif sur terre.

Par ailleurs, réclamer un « cessez-le-feu immédiat et permanent » et un boycott « tant que la guerre continue », comme le demande la lettre ouverte, revient à considérer qu’aucune forme de guerre contre le Hamas n’est acceptable. Cela équivaut de facto à nier à Israël le droit de se défendre, pourtant reconnu par le droit international. Aucun pays n’accepterait la présence d’un groupe terroriste comme le Hamas à sa frontière, et encore moins après un pogrom comme celui du 7 octobre.

Israël a le droit de détruire les capacités militaires du Hamas à Gaza. Mais cette organisation a passé plus de 17 ans à creuser des centaines de kilomètres de tunnels fortifiés, sans construire un seul abri pour sa population. Elle a systématiquement utilisé les civils palestiniens comme boucliers humains et tiré ses roquettes depuis des hôpitaux, écoles, bâtiments de l’ONU, mosquées ou zones humanitaires.

Ces tactiques abjectes visent avant tout à provoquer le plus grand nombre possible de « martyrs » sous l’œil des caméras, afin de manipuler l’opinion occidentale contre Israël. Et à en juger par l’ambiance sur les campus, cette stratégie cynique a pleinement réussi.

Personne de sensé ne nie l’ampleur de la catastrophe humanitaire à Gaza ni la souffrance des enfants palestiniens. Chacun souhaite une fin rapide des violences. Mais exiger d’Israël qu’il accepte un cessez-le-feu permanent sans conditions, sans destruction des capacités militaires du Hamas ni libération des otages, revient à choisir sans ambiguïté le Hamas contre Israël.

La guerre urbaine est toujours un enfer, comme on l’a vu à Mossoul et à Raqqa lorsque la coalition occidentale a mené une vaste campagne de bombardements contre l’État islamique, avec le soutien quasi unanime du monde occidental. On sait aujourd’hui que des milliers de civils y ont trouvé la mort, et que, contrairement à Gaza, ils n’avaient quasiment aucune possibilité d’évacuation.

« Combien d’universitaires européens ou américains adopteraient la même posture « anti-guerre » si un groupe terroriste avait massacré 1.200 de leurs concitoyens ? »

Combien d’universitaires européens ou américains adopteraient la même posture « anti-guerre » si un groupe terroriste avait massacré 1.200 de leurs concitoyens – l’équivalent de treize fois les victimes du 11 septembre aux États-Unis – et diffusé fièrement ses atrocités en direct ? Et cela, non pas sur un territoire « occupé », mais sur un territoire reconnu par la communauté internationale.

De nombreux Occidentaux, habitués à des décennies de paix et de sécurité, ne comprennent plus ce que signifie vivre dans une démocratie fragile – la seule de la région –, menacée d’anéantissement depuis sa création et encerclée par plusieurs groupes terroristes voués à son effacement.

Le Hamas, sans même parler de la menace plus grave encore du Hezbollah, tire des roquettes sans discrimination depuis vingt ans. Chaque maison en Israël doit d’ailleurs disposer légalement d’un abri. Dans de telles conditions extrêmes, il est logique que certaines universités collaborent avec l’armée, que ce soit pour développer des cadres juridiques ou des capacités de défense.

« Les universités occidentales entretiennent aussi des partenariats bilatéraux avec des institutions en Indonésie, en Chine, au Qatar, en Turquie ou en Malaisie. »

Qui trouverait légitime de rompre nos partenariats avec les universités ukrainiennes sous prétexte qu’elles collaborent aujourd’hui avec leur armée pour résister à l’anéantissement, alors même que cette armée a pu commettre des crimes de guerre ?

Le gouvernement israélien actuel peut être critiqué pour bien des choses. Mais pourquoi cette obsession exclusive pour Israël ? Les universités occidentales entretiennent aussi des partenariats bilatéraux avec des institutions en Indonésie, en Chine, au Qatar, en Turquie ou en Malaisie : des pays au bilan catastrophique en matière de droits humains, engagés dans des occupations militaires, classés bien en dessous d’Israël dans les indices de démocratie de The Economist ou de l’institut V-Dem.

Certaines ont même des accords bilatéraux avec l’Université de Birzeit, en Cisjordanie, où le Hamas domine, où les Israéliens juifs sont exclus, où des bâtiments portent le nom de terroristes condamnés, et dont le compte officiel célébrait encore « la gloire des martyrs » trois jours après le 7 octobre. Faut-il aussi rompre ces partenariats, ou s’agit-il seulement de diaboliser un pays en particulier ?

« Les universités israéliennes accueillent des dizaines de milliers d’étudiants arabes et palestiniens. »

Dans une démocratie libérale comme Israël, les universités jouent un rôle essentiel de contre-pouvoir et de critique des politiques gouvernementales. Malgré les défauts du pays, cette critique y reste possible. Ceux qui s’opposent à la coalition Netanyahu trouvent de nombreux alliés parmi les chercheurs israéliens, qui furent en première ligne lors des manifestations contre la réforme judiciaire en 2023.

Enfin, les universités israéliennes accueillent des dizaines de milliers d’étudiants arabes et palestiniens, souvent soutenus par des programmes publics. Ceux-ci seront également les victimes d’un boycott généralisé, qui n’apportera en rien la paix mais affaiblira encore davantage les forces constructives et démocratiques au sein de la société israélienne.

Maarten Boudry, philosophe et auteur

(Photo Belga : Jonas Dhollander)

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