Le jeune philosophe Maarten Boudry s’est fait connaître lorsqu’il a occupé la chaire Etienne Vermeersch à l’université de Gand entre 2019 et 2023. Depuis, il est devenu un intellectuel public, selon la tradition française classique, à savoir un orateur et auteur reconnu. La présentation de son dernier livre, La trahison des Lumières. Plaidoyer pour un nouveau mouvement du progrès, s’est faite sous forme de dialogue avec le Premier ministre Bart De Wever (N-VA). Le Premier ministre devait initialement se contenter de remettre symboliquement le premier exemplaire, mais il s’est laissé séduire par une série de questions. Par la suite, De Wever a fait l’éloge du livre et de l’auteur dans un discours remarqué lors d’une conférence du think tank conservateur IDU (International Democracy Union). Boudry avait déjà signé quelques essais francophones remarqués dans la presse belge et française.
21News : Votre livre paraîtra-t-il en français ?
Maarten Boudry : J’espère bien, même si une version anglaise est probablement prévue en premier.
21News : Cette admiration de Bart De Wever vous surprend-elle ? Tente-t-il de vous convertir au conservatisme ?
M.B. : Je comprends pourquoi De Wever essaie de me convertir au conservatisme. C’est tragique que mon livre parle davantage aux conservateurs modérés qu’aux progressistes actuels. Cela montre à quel point beaucoup de progressistes se sont éloignés des Lumières. Mais ma vision de la vie reste fondamentalement progressiste : je vise le progrès radical et la malléabilité du monde. Conservateurs et progressistes ont besoin l’un de l’autre. Une sorte de danse entre ce que j’appelle les assaillants du ciel et les gardiens de la citadelle. Il y a une lutte permanente entre ceux qui veulent changer et ceux qui veulent préserver l’ancien. Si vous n’avez que des assaillants du ciel, le changement devient trop radical et mène à des catastrophes. La Révolution française l’a montré. Mais si les conservateurs ne sont jamais contestés, il ne se passe rien : c’est l’immobilisme. Je vois cela comme un équilibre sain. Je m’entends bien avec De Wever, mais dans un débat, je me souviens toujours pourquoi je suis progressiste. De Wever veut surtout protéger les traditions judéo-chrétiennes, comme il dit.
« Le discours anti-croissance a clairement changé de camp »
21News : Ce n’est pas devenu une fausse opposition ?
M.B. : On assiste aujourd’hui à une étrange inversion entre la gauche et la droite. Dans de nombreux contextes, les rôles se sont inversés. Quand un politicien plaide pour la croissance et l’innovation, c’est en général un homme de droite. Si quelqu’un parle au contraire du mythe de la croissance, des inconvénients du progrès et de la façon dont tout cela sert les milliardaires, c’est un “progressiste”. Le discours anti-croissance a clairement changé de camp. Cela donne toutes sortes de formes de pensée conservatrice.
Les progressistes se concentrent désormais sur la défense des pensions… Bien sûr, c’est une conquête progressiste, mais c’est une pensée désolante si vous ne faites que défendre des acquis. Comme si nous étions arrivés sur un plateau de prospérité. C’est une idée très pessimiste. Dans le meilleur des cas, ils visent le statu quo, et dans le pire… qui sait ?
Abonnez-vous pour lire l'article en entier.
Apportez votre soutien à la rédaction de 21News en souscrivant à notre contenu premium.