L’accord de Paix signé fin juin à Washington entre la République démocratique du Congo et le Rwanda sous l’égide des Etats-Unis, s’il constitue une étape vers un règlement d’un conflit qui ensanglante la région des Grands Lacs depuis plus de 30 ans, fige surtout la situation politico-militaire sur le terrain. Tout profit pour l’Alliance Fleuve Congo et de son bras armé le mouvement du 23 Mars (AFC/M23) et surtout pour leur mentor, le régime rwandais.
Un groupe d’expert des Nations Unies vient de rendre ce 3 juillet un rapport au Secrétaire général des Nations Unies sur la situation à l’Est, qui depuis 6 mois échappe au contrôle de Kinshasa. Il est accablant. Ce sont les civils qui paient le plus lourd tribut « en subissant des déplacements massifs, l’insécurité , et de graves violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains. » selon le rapport onusien. Les experts concluent que : « des éléments de l’AFC/M23 et des FDR ont mené une campagne systématique de répression dans les zones occupées, y compris des exécutions extrajudiciaires, des arrestations arbitraires, des actes de torture, des disparitions forcées et des raids nocturnes sur des hôpitaux. Pendant ce temps, les combattants des FARDC et de Wazalendo en retraite ont commis des pillages généralisés, des violences sexuelles et des meurtres. La réintégration des soldats des FARDC accusés de graves violations a renforcé l’impunité dans les rangs des FARDC ».
En six mois d’occupation, l’ AFC/M23 a renforcé son pouvoir sur les deux Kivu. Il contrôle aujourd’hui des zones stratégiques et riches en minéraux qui partent principalement vers le Rwanda.
«Toutes les parties au conflit ont commis des représailles meurtrières »
Si la conquête des Kivu a été rendue possible grâce à l’appui des FDR (armée rwandaise), celle-ci s’est en partie retirée, note le rapport, mais L’AFC/M23 s’est renforcée par « un recrutement forcé et volontaire à grande échelle, y compris des soldats des FARDC (force armée de la RDC) et de certains anciens supplétifs de Kinshasa des Wazalendo, qui ont changé d’allégeance et intégré au M23 après une formation militaire et idéologique obligatoire, qui a mis l’accent sur le retour des réfugiés congolais et le renversement du gouvernement de Kinshasa comme principaux objectifs de la rébellion ».
Depuis six mois tous les liens avec Kinshasa ont été rompus. Tout profit pour le Rwanda sur lequel le nouveau régime et sa nouvelle administration s’appuie – une administration parallèle dont les structures visent à consolider le contrôle et à générer des profits. Selon les experts : « L’exploitation minière illégale dans les territoires contrôlés par AFC/M23, la contrebande vers le Rwanda de minéraux non éligibles au commerce, le mélange de ces minéraux avec la production rwandaise et leur exportation ultérieure vers des acteurs en aval ont atteint des niveaux sans précédent. Cela posait une menace sérieuse à l’intégrité et à la crédibilité de la traçabilité des minéraux et mettait en péril le commerce des minéraux « 3T » (étain, tantale et tungstène) ».
Le rôle trouble de l’Ouganda
Marquée par l’instabilité et les conflits interethniques entre Hemas et Lendus depuis plus de 20 ans c’est l’implication de l’Ouganda est également dénoncée. Kampala a déployé des troupes dans les régions aurifères de Djugu et Mahagi. En théorie pour pacifier la région, mais avec la complicité de certains Congolais, membres des parlements provinciaux et nationaux, l’or de l’Ituri est illicitement introduit en contrebande, principalement par Kampala ».
Enfin, le rapport de 44 pages souligne les tensions persistantes entre le Rwanda soutien de AFC/M23 et le Burundi allié militaire de la RDC. Ainsi malgré l’accord de paix signé le mois dernier à Washington entre Kinshasa et Kigali, la région des Grands Lacs est loin d’être pacifiée.
Philippe Lamair
(Jospin Mwisha / AFP)