Dans un courrier commun cosigné par Bart De Wever et huit autres chefs de gouvernement européens, les signataires dénoncent une interprétation « trop extensive » de la Convention européenne des droits de l’homme par la Cour de Strasbourg, qui, selon eux, « limite la capacité à prendre des décisions politiques dans [leurs] propres démocraties ». Un dossier levé par La Libre.
Le Premier ministre belge Bart De Wever, soutenu par les chefs de gouvernement du Danemark, d’Italie, d’Autriche, de Pologne et de six autres États membres, tire la sonnette d’alarme : la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) compromet gravement la capacité des États européens à mener une politique migratoire souveraine et efficace. Cette initiative politique, soutenue par plusieurs pays dirigés ou co-dirigés par des sociaux-démocrates, vise à rééquilibrer le rapport entre droits fondamentaux et sécurité publique.
Pour les signataires, il ne s’agit pas de remettre en cause les droits humains en tant que tels, mais bien de dénoncer les dérives d’une interprétation trop rigide de la Convention européenne des droits de l’homme. Deux arrêts récents illustrent l’impasse juridique actuelle :
-L’arrêt Hirsi Jamaa c. Italie (2012), qui interdit tout refoulement collectif en mer Méditerranée, oblige les garde-côtes italiens à débarquer systématiquement les migrants secourus dans un port italien, quels que soient les abus des passeurs ou l’absence de droit d’asile.
-L’article 4 du Protocole n° 4 de la CEDH interdit les expulsions collectives d’étrangers, définies comme des mesures obligeant un groupe d’étrangers à quitter un territoire sans un examen individuel de leur situation.
Ire du PS
Face à cette situation, la lettre co-signée par De Wever réclame une réforme de l’interprétation de la Convention afin de redonner aux démocraties nationales la possibilité de lutter efficacement contre l’immigration illégale, en ciblant notamment les personnes « au pedigree peu enviable », mêlant illégalité de séjour et délinquance.
Cette prise de position a déclenché l’ire du Parti socialiste belge, pour qui cette démarche constitue une attaque « inédite » contre la CEDH. Le chef de groupe PS Pierre-Yves Dermagne a dénoncé une dérive populiste, accusant De Wever de porter atteinte à l’État de droit. Mais l’argument peine à convaincre lorsque l’on considère que ce sont les États eux-mêmes qui se retrouvent empêchés de faire appliquer leurs propres lois par des juges étrangers non élus.
Comme le rappelle La Libre, le Premier ministre avait pourtant consulté l’ensemble de la coalition fédérale avant de signer cette lettre. Le vice-Premier Maxime Prévot (Les Engagés) a d’ailleurs précisé que le message ne visait qu’un « groupe limité » de migrants mêlant illégalité et criminalité.
En réalité, la vraie question posée par Bart De Wever est la suivante : une démocratie peut-elle encore gouverner, si chaque décision sécuritaire est immédiatement suspendue par un juge international au nom de droits interprétés de façon maximaliste ?
A.G.
(Photo Abdesslam Mirdass / Hans Lucas via AFP)