Après avoir accepté un long entretien avec Tucker Carlson, le fondateur de Telegram est interrogé en exclusivité par Le Point. Mis en examen en France pour des accusations gravissimes, Pavel Durov répond coup pour coup, réaffirme sa radicale indépendance et brosse le portrait d’un entrepreneur philosophe, intransigeant sur la liberté. Il écorne Macron et Trump.
« Je préfère mourir que trahir mes utilisateurs. » Accusé de blanchiment, de complicité de trafic de drogue ou encore de diffusion de contenus pédopornographiques, Pavel Durov dénonce un acharnement politico-judiciaire « sans preuve », « punitif par anticipation », et fustige la lenteur de la justice française. Il raconte ses nuits sur un lit de béton sous lumière vive, son isolement familial, et refuse toute coopération forcée : « Ce n’est pas Telegram qui a mal agi, mais les autorités françaises qui ont mal suivi les procédures. »
La DGSE dans le viseur
Dans une scène digne d’un thriller d’espionnage, il accuse le patron du renseignement extérieur français de lui avoir demandé la suppression de chaînes conservatrices en Roumanie. Sa réponse ? Une gifle verbale : « Je ne l’ai pas fait pour la Russie, ni pour l’Iran, ni pour Hongkong. Je ne le ferai pas pour la France. »
Telegram, projet de vie
Pas de maison, pas de salaire, pas de yacht. « Telegram n’est pas à vendre. Jamais. » Même Google, qui proposait un milliard de dollars en 2017, a essuyé un refus. Pour Durov, Telegram est une promesse : indépendance, confidentialité, liberté. Il affirme ne pas en tirer de revenu personnel et rappelle qu’il a même dû contracter deux milliards de dettes pour rembourser des investisseurs évincés par la SEC américaine.
« Je n’ai qu’un seul costume. » Derrière l’ascète numérique qui ne possède ni café ni téléphone mobile, se cache un père de six enfants reconnus… et peut-être de plus de cent autres issus de dons anonymes. Tous auront les mêmes droits dans son testament, signé à 40 ans, pour éviter toute querelle d’héritage.
Macron, l’homme qui a déçu
Durov, naturalisé français en 2021, n’épargne pas Emmanuel Macron : « Il portait une vraie vision. Mais il ne fait pas les bons choix. La France devient plus faible. » Il dénonce une obsession pour la communication, une réalité transformée en illusion, un pays miné par la bureaucratie et la fuite des talents. Et quand le président lui envoie un message après ses déclarations sur la DGSE ? Durov ne répond pas.
Trump, symbole d’un précédent dangereux. « Je ne suis pas fan de tout ce qu’il fait, mais le bannir des réseaux sociaux a été une erreur très grave. Si on peut censurer un ancien président américain, alors plus personne n’est à l’abri. » Pour Durov, la liberté d’expression se défend intégralement – ou elle ne se défend pas.
Et l’IA dans tout ça ? Durov se montre sceptique face à l’intelligence artificielle actuelle, qu’il qualifie de « sophistiquée mais stupide » : « Elle ne comprend pas, elle régurgite. » Mais il ajoute, presque en passant : « Mon frère Nikolaï travaille sur une vraie IA, une IA qui pense vraiment. » En marge de Telegram, un autre projet pharaonique est donc en gestation – sans publicité, sans tapage.
La rédaction
(Photo by Thomas SAMSON / AFP)