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Paix improbable au Congo (Carte blanche)

par Contribution Externe

Malgré le récent accord de Washington sous l’égide du président Trump, les perspectives de paix durable en République démocratique du Congo (RDC) restent faibles. Une carte blanche d’Alain Destexhe, sénateur honoraire.

Sous la pression d’un rapport de force défavorable sur le terrain, des États-Unis et des médiateurs africains, le président Félix Tshisekedi a finalement accepté d’entamer des négociations au Qatar avec l’Alliance Fleuve Congo / M23, un mouvement qu’il avait toujours refusé de reconnaître comme interlocuteur. Mais derrière cette ouverture de façade, Kinshasa ne manifeste jusqu’ici aucune réelle volonté de compromis.

Un dialogue au point mort à Doha

Tshisekedi n’a envoyé à Doha que des fonctionnaires sans poids politique et n’a concédé aucune avancée en plus d’un mois de discussions : pas de libération de prisonniers politiques, aucun engagement sérieux sur la décentralisation, ni le moindre geste en faveur de la fin des discours de haine ou du respect des droits de toutes les ethnies, en particulier des Tutsis congolais encore trop souvent stigmatisés comme étrangers ou supposés agents du Rwanda. L’accord de Washington peut-il malgré tout insuffler une dynamique de paix à Doha ?

Pendant ce temps, les attaques contre les civils se poursuivent sur plusieurs fronts, notamment autour de Walikale et au Sud-Kivu, perpétrées par les FDLR — issus des génocidaires de 1994 au Rwanda — et par les milices Wazalendo, armées et soutenues par Kinshasa.

Un Rwanda renforcé

L’accord de Washington renforce clairement le Rwanda, en mettant l’accent sur le désarmement des FDLR, une promesse que Tshisekedi avait déjà faite à de nombreuses reprises, sans jamais la tenir, alors même que ces groupes sont infiltrés au sein des FARDC et de son commandement. Cette fois, la pression américaine pourrait-elle changer la donne ?

La frontière avec le Congo n’a jamais été aussi sécurisée depuis 1994. L’accord de Washington qualifie même les interventions de Kigali de « mesures de défense », une formule que Kinshasa a sans doute eu du mal à accepter. Le territoire désormais contrôlé par le M23 agit comme une zone tampon : les FDLR sont repoussés vers l’ouest et la menace des FARDC est contenue.

Le défi de la gestion de deux provinces

Le M23 se retrouve  cependant dans une situation complexe. Peut-il accepter que les attaques contre les populations civiles, qui provoquent chaque jour de nouveaux déplacements, se poursuivent ? Sur le plan militaire le mouvement est renforcé : capture de matériel après la chute de Goma et ralliement de 7 000 soldats des FARDC. Sans contrepartie, le M23  a accepté le renvoi dans les zones gouvernementales des soldats fidèles à Kinshasa, réfugiés dans les bases de la Monusco.

Sur le plan politique, sous la coordination de Corneille Nangaa, l’AFC/M23 a encore gagné en légitimité avec l’arrivée de l’ancien président Joseph Kabila à Goma.

Mais le M23 doit désormais relever un défi nouveau : gérer deux grandes villes, Goma et Bukavu, ainsi que deux provinces entières. Tshisekedi, de son côté, en maintenant délibérément les banques fermées dans ces régions, cherche à asphyxier économiquement la population, avec le risque d’accélérer la création d’une monnaie parallèle. Une stratégie dangereuse qui pourrait précipiter une partition de fait du pays.

L’Europe hors-jeu

Il convient de souligner que l’Europe, en grande partie sous l’impulsion de la Belgique, s’est elle-même exclue du jeu diplomatique en prenant ouvertement position en faveur de Kinshasa et contre le Rwanda.

La responsabilité de M. Tshisekedi

L’accord de Washington laisse ouverte la question congolaise elle-même, renvoyée aux négociations de Doha sous l’égide du Qatar. Si Kinshasa persiste à refuser tout compromis significatif, le pays risque soit une reprise de la guerre, soit une partition durable. Dans les deux cas, M. Tshisekedi porterait une lourde responsabilité.

Plus que jamais, la solution au conflit congolais se trouve à Kinshasa.

Alain Destexhe, Sénateur honoraire, ex-secrétaire général de MSF, ancien président de l’International Crisis Group

(Photo Jospin Mwisha / AFP : Goma, 10 mai 2025)

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