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L’ennemi de mes ennemis (Opinion)

par Contribution Externe

Les guerres au Moyen-Orient nous l’ont fait découvrir, c’est difficile de le croire mais bien vrai, une partie des familles politiques dites progressistes, plus prosaïquement apparentées à la gauche, semble avoir récusé ses idoles, de Marx à Régis Debray, par ce qu’on peut appeler vraisemblablement un opportunisme intellectuel, pour le moins surprenant quand on dénude le fard d’une telle ineptie. Une opinion de Harrison du Bus, ancien professeur de secondaire.

J’ai passé huit ans sur les bancs de l’université, je connais donc bien ses partis pris et son appariement à une pensée portée par les structuralistes, peu importe que le réel leur ait donné tort ou raison. Je ne m’étonnais pas de lire sur les murs LinkedIn de ces professeurs des plaidoyers fiévreusement en faveur de la cause palestinienne, par exemple – d’ailleurs il faut concéder que la subtilité de ce vieux conflit autorise, à condition qu’on maîtrise bien cette histoire, de tenir des positions puissantes mais radicales. Je ne savais néanmoins pas jusqu’où irait cette fascination d’un cénacle académique pour des théocraties orchestrées par d’inhumains potentats.

Une convergence des luttes éloignée de la liberté

En fait, la fameuse interdisciplinarité qu’ils chantent est ici surtout un pagne, un cataplasme, qui sert d’alibi intellectuel mais à laquelle ils peinent sûrement à croire, car il n’y a aucune putative convergence des luttes entre une dictature islamique et les mouvements LGBT ni les organismes écologistes actifs. Je ne crois même pas que la marotte des minorités opprimées soit ici le réel moteur de mansuétudes de certains cuistres pour l’exact contraire des Lumières dont ils se revendiquent également les héritiers.

Il s’agit d’un vieil amendement qu’a ratifié une large classe intellectuelle qui en filigrane se décline dans la continuité linéaire et renouvelée d’une haine de soi, plus littérairement d’une hostilité « systémique » à l’Occident judéo-chrétien, accusé des sévices dont souffrent encore aujourd’hui tous les continents. Et il semble que quiconque partage cette conviction qu’il y a dans ce monde un coupable éternellement disculpé, a cela de commun avec cet aréopage d’universitaires qui malgré d’autres convictions initialement, se rejoignent dans leurs conclusions.

Nous avons, via ce ressort intellectuel, pu apercevoir dernièrement, à Paris notamment, flotter dans les rues des drapeaux non pas iraniens, mais de la République islamique d’Iran, assimilée à la résistante injustement attaquée par le « grand Satan » comme elle dit, c’est-à-dire les États-Unis.

Une fois de plus, l’histoire du Moyen-Orient est complexe et la stratégie géopolitique des Israéliens et des Américains est critiquable, à certains égards pour les plus juridiques illégitimes, mais personne ne devrait défendre l’immonde régime des mollahs qu’ont fui des centaines de milliers d’Iraniens qui nous racontent l’enfer qui brûle leur merveilleux pays. Pourtant, l’anti-américanisme et « l’antisionisme » quand il n’est pas de l’antisémitisme, est chez certains si enkysté qu’ils sont prêts à sacrifier leur rectitude académique par ce que je veux appeler de l’opportunisme idéologique.

Le conflit des haines réciproques

Comme tous les chefs d’États l’ont écrit, le chamboulement du Moyen-Orient est très préoccupant, et il a ceci de particulièrement gênant qu’il est très complexe et les histoires diplomatiques croisées ont souvent été instables et insaisissables. Mais ne faudrait-il pas d’abord, avant d’entrer dans les raisonnements techniques, pouvoir observer la même chose, en toute indépendance, et s’entendre sur l’évidence, à savoir la préservation de l’intégrité de ces peuples et de ces pays violemment touchés par la guerre ? Nous n’y sommes pas, car la polarisation, pas seulement entre politiques, mais entre analystes est arrivée au point où la volonté d’annihilation des uns ou des autres, l’emporte sur la froide volonté d’éteindre l’incendie.

Autrement dit, comment espérer vouloir sortir de ces conflits lorsque les haines réciproques n’autorisent plus d’armistice, encore moins de paix ? Or cette absconse défense occidentale des mollahs comme celle, de l’autre côté, d’une extrême droite israélienne ou américaine irresponsable polluent la sagesse et la modération qui devraient prévaloir mais que trop de monde a laissé à l’arrière-plan, pour gagner la bataille des idées.

C’est l’autre drame de ces guerres : elles sont tellement imbriquées, sibyllines et pernicieuses que les factions ont petit à petit perdu le sens de la diplomatie, qui ici devrait battre son plein – et qu’il n’y a plus que des missiles et de la propagande, si bien qu’il y a à craindre qu’elles pourraient ne prendre fin qu’en même temps que leurs peuples.

Il ne s’agit pas d’une ingénue critique pacifiste mais d’une convocation impérieuse de l’analyse froide et pure, affranchie de tout biais idéologique, car c’est précisément parce qu’ils ont conquis les esprits qu’on aurait pu croire les plus aiguisés et équilibrés qu’on les croit inéluctables. Kissinger ne s’est peut-être pas anobli d’une conscience immaculée mais on espérait de lui un pragmatisme qui nous préservait de l’irréparable.

Harrison du Bus, ancien professeur de secondaire (les intertitres sont de la Rédaction)

(Photo Luis E Salgado/ZUMA Press Wire : manifestation à Mexico City pour condamner l’agression israélienne contre Gaza et l’Iran, 21 juin 2025)

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