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Un service public français à géométrie variable : deux poids, deux mesures entre Salamé et Achilli ?

par Nicolas de Pape

L’orientation à gauche du service public français de l’audiovisuel est un sujet qui ne manque jamais de susciter le débat. L’exemple de la différence de traitement entre Léa Salamé et Jean-François Achilli en est un des plus frappants et récents. Retour sur une affaire qui interroge.

Jean-François Achilli, journaliste chevronné et figure bien connue de France Télévisions (Radio France), a été brutalement écarté pour faute grave pour avoir, selon certains, été approché puis avoir collaboré à l’écriture d’un essai de Jordan Bardella (finalement publié sous le titre « Ce que je cherche », aux éditions Fayard). Une accusation que le journaliste nie catégoriquement et pour laquelle aucune preuve formelle n’a été présentée. Il a même publiquement affirmé avoir rejeté le projet. La lettre de licenciement reprendra divers articles de presse dont un papier d’Ariane Chemin, du Monde, qui a déclenché la tempête médiatique. Radio France n’a pas jugé nécessaire de vérifier les faits avant de le pousser vers la sortie, invoquant une exigence déontologique soudainement renforcée[1].

Ce zèle contraste vivement avec la situation de Léa Salamé, qui bénéficie d’une tranquillité quasi totale depuis des années. Compagne de Raphaël Glucksmann, eurodéputé socialiste et candidat à la présidentielle, elle continue de présenter les grandes émissions politiques de France 2 sans que cela n’éveille la moindre objection officielle. Qu’elle interviewe les adversaires politiques de son compagnon ou qu’elle anime des débats essentiels dans le paysage électoral français, tout semble parfaitement compatible avec l’impartialité attendue d’un journaliste de service public aux yeux de ses employeurs.

Traitement idéologique à géométrie variable

On pourrait penser à une simple différence d’interprétation. Mais en y regardant de plus près, l’écart devient trop flagrant pour être ignoré. D’un côté, un homme suspecté – sans preuve – d’avoir conseillé un homme politique pour un livre, et immédiatement sanctionné. De l’autre, une femme qui ne se contente pas de donner des conseils mais partage sa vie avec une figure emblématique de la gauche française. Elle continue pourtant à incarner la neutralité et à cumuler les émissions, y compris la présentation prochainement du JT du 20h, le summum sur France 2. À quelle logique répond cette géométrie variable, sinon à une grille de lecture idéologique de plus en plus visible ?

Ce n’est pas la compétence de Léa Salamé qui est ici remise en cause, ni même sa légitimité professionnelle. Elle est une grande journaliste, et peut-être désapprouve-t-elle en son for intérieur l’éviction d’un autre excellent journaliste, Jean-François Achilli. Ce qui est problématique, c’est le deux poids, deux mesures qui découle de cette situation absurde et qui alimente la défiance envers le service public. Si une proximité privée avec un homme politique disqualifie un journaliste pour certaines fonctions, alors cette règle devrait être appliquée de manière uniforme. Si, en revanche, on considère que la vie privée ne doit pas interférer avec la pratique journalistique, pourquoi avoir écarté Achilli dès le simple soupçon de conseil pour un ouvrage ?

Un pas de côté

Il est aussi assez révélateur que Léa Salamé ait annoncé à la Tribune du Dimanche qu’elle quitterait le JT de 20h si son compagnon se présentait à la présidentielle de 2027. Cette déclaration prouve bien que son mélange des genres pose problème. Elle le place au niveau de la présidentielle, mais est-il normal qu’une journaliste, compagne d’un député socialiste, puisse interroger des politiciens d’autres bords au JT, ou même influencer la trame de leurs interventions ? À leur époque, Ockrent comme Sinclair avaient mis leur carrière entre parenthèses pour éviter le soupçon de collusion : Sinclair quitte son émission culte 7 sur 7 en 1997 quand DSK devient ministre, Ockrent affirme que l’arrêt de son émission France-Europe-Express n’a rien à voir avec la nomination de son mari Bernard Kouchner comme ministre des Affaires étrangères mais son manque supposé d’indépendance vis-à-vis du gouvernement est souligné par le Syndicat des journalistes. Ockrent avait toujours refusé d’être la “femme de”.

D’accord, l’époque a changé. Mais si le service public veut conserver durablement la confiance des Français, il ne peut appliquer des principes à la carte. Il ne peut dénoncer la défiance croissante du public envers les médias tout en cultivant une logique de clans internes. En sanctionnant certains pour de simples allégations et en fermant les yeux sur les conflits d’intérêts bien réels des autres, il nourrit ce soupçon de partialité qui fragilise sa légitimité. Le service public audiovisuel, qui coûte 4 milliards d’euros au contribuable français, ne peut se permettre de fonctionner dans cette logique de deux poids, deux mesures. Dans une démocratie mature, la transparence ne doit pas être flexible. Il est temps pour France Télévisions de clarifier ses lignes rouges et de les tracer de manière égale pour tous.

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