Le partenariat public-privé (PPP) pour le tram de Liège implique un montant total à charge des finances publiques d’environ 1,174 milliard d’euros, réparti et remboursé progressivement jusqu’en 2052. Ce montant inclut non seulement la construction, mais aussi l’entretien, la maintenance et les intérêts du remboursement du projet, dans le cadre du contrat DBFM (Design, Build, Fiance, Maintain).
La Région wallonne rembourse le partenaire privé, Tram’Ardent (*), via des annuités d’un peu plus de 32 millions d’euros par an durant la période du contrat. Ce modèle permet d’étaler l’impact sur les finances publiques sur le long terme, mais à terme l’ensemble du coût du projet reste intégralement à charge de la Région.
À noter :
- Le coût initial du chantier était estimé à environ 430 millions d’euros (hors maintenance et intérêts).
- Divers ajustements et rallonges budgétaires ont été nécessaires (ex : 79 millions pour le Covid et l’inflation), mais une partie fait l’objet de pénalités négociées selon les retards et difficultés rencontrés.
La différence entre le coût annoncé initialement pour le tram de Liège et la somme finalement engagée par l’État est déjà significative, et nous ne sommes pourtant qu’au début de l’aventure financière, qui s’augure désastreuse :
- Coût annoncé au départ (2019) : environ 430 millions d’euros, ce montant couvrait la conception, la construction de l’infrastructure et l’achat des 20 rames de tram.
- Coût final engagé (2024) : environ 1,174 milliard d’euros, soit près de trois fois plus que le budget initial. Cette enveloppe inclut non seulement la construction, mais aussi:
- L’entretien, l’exploitation et la maintenance sur 30 ans
- Les frais financiers, c.à.d. les intérêts liés au remboursement étalé jusqu’en 2052 (la Région wallonne rembourse le partenaire privé (le consortium Tram’Ardent, constitué par diverses filiales du groupe Bouygues (Colas et consorts) et des fonds d’investissement…) pendant près de 30 ans.
- Une rallonge budgétaire de 79 millions d’euros, pour couvrir surcoûts liés à la crise du Covid, les inondations de 2021 et une forte inflation liée notamment à la guerre en Ukraine (une partie pouvant être compensée par des pénalités de retard).
Sans oublier les exigences d’aménagement et d’intégration du tram dans un tissu urbain ancien et dense, ainsi que des mesures de préservation patrimoniale et de sécurité, qui ont engendré (et vont continuer à engendrer) des coûts supplémentaires non prévus initialement.
Dans ce contrat léonin pour les contribuables wallons : tous les imprévus engendreront des rallonges budgétaires qui seront toutes à charge de la Région wallonne.
À titre de comparaison, le coût au kilomètre du tram de Liège (environ 56 à 100 millions d’euros/km) est nettement supérieur à celui des lignes françaises (18 à 26 millions/km), même en tenant compte de l’inflation. Cela s’explique aussi par des modalités d’appel d’offres, de gestion de projet et de choix technologiques différents.
Le coût total pour l’État a déjà été multiplié par près de trois par rapport au budget initialement annoncé, alors d’ici à 2052, beaucoup d’imprévus couleront encore sous les ponts, il est très probable que le coût final pour l’Etat (c.à.d. les contribuables) dépasse au final les 5 milliards d’euros (pour seulement 11,7 km de voies et 20 rames !).
Une étude comparative internationale de plusieurs PPP, concernant les grands projets d’infrastructure, étalés sur plusieurs décennies montre que c’est une réalité statistique : tous (98%) les PPP ont vu leurs budgets initiaux exploser en étant multipliés entre 8 et 16 fois en fin de course, en raison de la complexité administrative, technique, et des imprévus propres à ce type de chantiers. Ce phénomène n’est pas limité au tram de Liège, mais il a été accentué dans ce cas par le modèle financier adopté et par des augmentations généralisées des prix dans le secteur du BTP.
Le modèle financier adopté, qui fait le bonheur et la richesse du partenaire privé, ne fait que confirmer que les négociateurs belges (notamment ceux de la SRWT/OTW) ne sont réputés ni pour leur perspicacité, ni pour leur ingéniosité. Et leur médiocrité a de funestes conséquences.
Ainsi, l’augmentation explosive du coût du tram de Liège a des implications financières majeures pour la Région wallonne :
· Hausse de la dette régionale : La dette directe de la Wallonie a plus que doublé depuis 2019, passant de 12,6 milliards à 28,2 milliards d’euros en 2024. Elle devrait atteindre environ 36,5 milliards en 2029, en grande partie à cause de dépenses comme le tram de Liège et autres investissements massifs.
· Aggravation du déficit budgétaire : Le déficit à financer pour 2024 s’élève à 3 milliards d’euros, et la trajectoire annoncée laisse penser que le déficit restera élevé sur plusieurs années. Le poids des nouveaux remboursements liés au tram s’ajoute aux déficits structurels et à d’autres dépenses non maîtrisées.
· Augmentation du coût des intérêts : Les intérêts payés sur la dette régionale ont fortement augmenté. Ils ont doublé en deux ans, passant de 370 millions à 605 millions d’euros en 2025. Cette progression s’explique par les nouveaux emprunts effectués à des taux plus élevés, et par la charge persistante générée par les grands projets d’infrastructure.
· Moindre capacité d’investissement futur : L’augmentation continue de la dette et du coût du service de la dette (intérêts) réduit la capacité de la Région à investir dans d’autres politiques publiques, à soutenir les communes, ou à faire face à de nouveaux imprévus.
· Pression sur les finances publiques : Les efforts d’austérité se multiplient (coupes budgétaires, non-indexation de certains subsides, etc.) pour tenter de maîtriser l’endettement. Mais le remboursement des annuités PPP du tram reste une obligation inévitable et rigide pour plusieurs décennies.
· Effets sur les services publics : La pression budgétaire peut entraîner des réductions dans des secteurs comme l’aide sociale (CPAS), l’emploi public ou le soutien aux communes, ce qui impacte le tissu social et économique wallon.
Il y a une raison pour laquelle les Français adorent venir négocier avec les Belges : nous sommes à chaque fois les dindons de la farce parce que nos négociateurs publics sont malléables, impressionnables, influençables, pas forcément pointus et peut-être même (pourquoi pas ?) parfois corruptibles…
Carl-Alexandre Robyn, ingénieur-conseil en valorisation de startups
(Photo Belgaimage)
(*) Le consortium Tram’Ardent, responsable du projet du tram de Liège, est composé principalement de trois partenaires clés :
· Colas International : chargé des travaux d’infrastructures, incluant la voirie, les impétrants, les voies et aménagements des espaces publics,
· CAF (Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles) : fournisseur du matériel roulant (rames de tram) et responsable du système d’exploitation,
· DIF (Digital Infrastructure Finance) : société financière qui assure le financement du projet.
Ces parties assurent ensemble la conception, la construction, le financement, et la maintenance du tram dans le cadre du PPP. En plus, l’OTW (Opérateur de transport de Wallonie) est le donneur d’ordre public qui gère l’exploitation du tram et supervise le respect des obligations contractuelles.
La ville de Liège est également une partie prenante importante en tant que bénéficiaire et partenaire politique soutenant le projet.