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Apocalypse Now à Bruxelles (Chronique)

par Luckas Vander Taelen

« Bruxelles est un navire pirate à la dérive, sans capitaine, avec des matelots politiques qui ne pensent qu’à eux-mêmes. » Sécurité, finances, vides juridiques,… qui s’en soucie ? Le procureur du Roi tire le signal d’alarme d’un train sans conducteur. Une chronique de Luckas Vander Taelen.

Enfin, quelqu’un qui connaît le dossier exprime son inquiétude et son indignation face au problème de sécurité incontrôlable à Bruxelles : le procureur Julien Moinil. Lors d’une conférence de presse, il a tenu un langage clair. Moinil a relevé que plus de 50 fusillades avaient été recensées cette année. Rien que depuis la mi-juillet, pas moins de 20. Apparemment, les bandes de trafiquants de drogue n’avaient pas besoin d’une pause estivale.

Le procureur a affirmé que la situation ne pouvait plus continuer ainsi : une jeune mère, avec sa fille sur la banquette arrière, a reçu une balle à travers le pare-brise de sa voiture à Molenbeek. Moinil n’hésite pas à dénoncer le laxisme politique de ces trente dernières années : « On ne répare pas cela en un jour. »

« Le congé parlementaire est sacré, et même si la ville brûle, on n’y déroge pas. »

Les politiciens bruxellois n’ont pas entendu le sermon de Moinil. Ils profitaient en effet de ce qu’eux seuls considèrent comme des vacances bien méritées. Le congé parlementaire est sacré, et même si la ville brûle, on n’y déroge pas.

Quatorze mois déjà que les partis se disputent au sujet d’un nouveau gouvernement, qui n’existe toujours pas. Le président des Engagés, Yvan Verougstraete, devrait désormais tenter de relancer les discussions en tant que « facilitateur ». Si celles-ci sont bloquées, c’est uniquement à cause du veto du PS contre la N-VA. Mais peut-être n’est-ce là qu’un prétexte pour éviter d’affronter les vrais problèmes.

Des nominations en attente

Car entre-temps, Bruxelles est bien partie pour devenir un enfer. Il n’y a pas seulement le problème de sécurité. Une catastrophe financière menace aussi. Presque rien n’a été fait pour rassurer Standard & Poor’s. L’agence de notation avait déjà donné un mauvais rapport en juin et revient en octobre. Plus personne ne croit à une issue favorable. Emprunter deviendra alors extraordinairement coûteux pour Bruxelles.

Le gouvernement démissionnaire a montré son visage le plus irresponsable. Des décisions importantes sont reportées depuis des mois. Il faut nommer un nouveau directeur à Actiris, l’organisme régional de l’emploi. Mais c’est une nomination politique. Et faute d’accord entre les partis, personne n’est désigné. Le même problème se pose exactement pour le nouvel urbaniste en chef, qui joue un rôle essentiel dans l’octroi des permis de bâtir. Là aussi, la fonction reste vacante à cause de querelles politiques. Cela entraîne incertitudes et retards pour les promoteurs, qui pourraient tenir la Région pour responsable en justice.

« Région et communes sont au bord d’un séisme aux conséquences énormes. »

Nul ne sait comment les choses évolueront. Mais la voie empruntée par les communes donne déjà un aperçu de ce qui attend les Bruxellois. Leurs frais de fonctionnement ont explosé à cause de l’indexation des salaires et du poids des pensions. Ce n’est pas une surprise, mais la vision à long terme n’est pas une spécialité bruxelloise. Les communes de la zone du canal ont une base fiscale trop réduite, car leurs habitants gagnent trop peu. Elles s’adressent donc aux propriétaires immobiliers avec une nouvelle hausse du précompte immobilier. Les bourgmestres s’excusent en disant qu’ils n’ont pas le choix, qu’ils sont dos au mur. Ils craignent surtout pour leurs CPAS, déjà mal en point, et qui deviendront, en raison des mesures fédérales, le refuge de tous ceux qui ne toucheront plus d’allocations de chômage. Que le précompte immobilier soit déjà très élevé dans la plupart des communes bruxelloises et touche surtout la classe moyenne, c’est un moindre souci pour les bourgmestres, car la majorité de leur électorat provient des milieux sociaux les plus fragiles.

Bruxelles est un navire pirate à la dérive, sans capitaine, avec des matelots politiques qui ne pensent qu’à eux-mêmes. Région et communes sont au bord d’un séisme aux conséquences énormes. « The horror, the horror ! », dit Marlon Brando dans le rôle du Colonel Kurtz désespéré à la fin d’Apocalypse Now. Ce n’est pas Bruxelles qui est monstrueuse. Ce sont ses politiciens satisfaits d’eux-mêmes, qui ont laissé leur ville sombrer dans des abîmes inédits.

Luckas Vander Taelen

(Photo : Belgaimage)

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