Sébastien Lecornu détient désormais un record nonpareil, celui d’avoir composé le plus bref gouvernement de l’histoire des républiques françaises, le Figaro l’atteste, c’est officiel. À peine nommé, et grâce ou à cause des réseaux sociaux et de la vitesse de l’information, ce gouvernement ne verra jamais le jour, puisque son Premier ministre efflanqué, Sébastien Lecornu, vraisemblablement découragé devant le tapage médiatique de ses contempteurs, seulement quelques instants après le dévoilement de ses choix, a présenté ce matin sa démission au président, qui l’a acceptée.
Les Français, qu’on savait déjà irrité par l’accumulation de courts gouvernements qui se sont succédé ces dernières années, et dont l’approbation collective était chaque fois plus étiolée, pourraient passer, comme le dit le député centriste Richard Ramos, « du sentiment de l’inutilité des gouvernants à celui de leur toxicité ». Quand même l’UDI (l’Union des démocrates et indépendants), parti centriste par excellence et vieil allié de la macronie, annonce dans un communiqué sur son site recouvrer toute son indépendance politique, on peut en présupposer la fonte d’un bloc central, si rabougri que le président Macron risque de n’avoir plus d’autres choix que de dissoudre une nouvelle fois l’Assemblée. Car en effet, on peut se demander alors quel groupe politique, si même l’UDI pas, aurait soutenu ce gouvernement.
Les causes de cet avortement sont plurielles et on pense en premier lieu à Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, pièce centrale de la dernière distribution gouvernementale, dont le programme de la semaine était sans doute déjà bouclé, lui dont la reconduite au même ministère n’était pas en balance, mais qui a publié hier sur X, à peine quelques dizaines de minutes après l’annonce publique des fonctionnaires ministériels, que « la rupture promise n’a pas eu lieu », – plus surprenant encore, il semblait avoir appris en même temps que toute la France la présence de certains noms au gouvernement, qu’il ignorait. Devant ce que tout le monde appelle de l’amateurisme, et avec les telles méfiance et acrimonie préalables des Français, il n’en fallait pas beaucoup plus pour tuer dans l’œuf cette nouvelle tentative gouvernementale, déjà mise en bière. D’autres Républicains plus émollients, comme la ministre de la Culture Rachida Dati, craignent trop la pétaudière parlementaire qui suivrait cette démission et en appellent au devoir moral de la droite à œuvrer à la stabilité de l’État par la tenue des institutions.
Le Retour insoupçonné de Bruno Le Maire
Aussi, ce qui n’a pas tari la voix des observateurs est l’exhumation très inattendue de Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Économie, lui qui encore le 22 septembre sur X, « excluait catégoriquement sa présence » à quelque portefeuille que ce soit. Pour l’autre raison que de tous bords les élus le rendent responsable de l’augmentation de la dette de 1000 milliards d’euros, son accueil a été des moins chaleureux.
Il y a maintenant lieu de deviner quelle sera la suite de ce feuilleton que Darius Rochebin, à l’air dépité, rappelle observé par les marchés européens dont la France est un gros débiteur et a tant besoin des largesses ; quel reflet renvoie-t-elle aujourd’hui à ses prêteurs ? Guillaume Roquette, le directeur de la rédaction du Figaro Magazine, en appelle à une nouvelle convocation des électeurs devant les urnes, compte tenu de la vraisemblable immobilité d’un pays au parlement si bigarré qu’aucun Premier ministre n’arrive plus à le tirer de l’avant. Et quand l’immobilisme se met en place, comme disait Edgar Faure, rien ne peut l’arrêter.