Entretien exclusif avec Xavier Fierens, un professeur d’une école bruxelloise sur la réforme Glatigny : « On ajuste des paramètres, on ne touche pas au fond ».
Alors que Valérie Glatigny, ministre de l’Enseignement francophone, porte une réforme présentée comme un effort de rationalisation et de maîtrise budgétaire, certaines voix, dans le corps professoral, dénoncent un replâtrage technique sans vision de fond. Professeur dans une école bruxelloise, Xavier Fierens regrette un texte « d’ajustements de paramètres » qui ne rompt pas avec la logique d’un État centralisateur. Selon lui, la réforme maintient et prolonge le micro-management administratif au lieu de redonner souffle, autonomie et responsabilité aux acteurs de terrain. Il s’exprime ici à titre personnel.
21News : Vous reconnaissez la nécessité d’un assainissement budgétaire. En quoi, dès lors, la réforme Glatigny vous paraît-elle problématique ?
Xavier Fierens : Oui, la rigueur budgétaire est légitime. L’État est surendetté ; la FWB est surendettée et l’enseignement constitue son plus gros poste de dépenses. Il faut des mesures qui empêchent le surendettement de s’aggraver. Mais le problème est ailleurs : cette réforme ne sort pas du carcan hérité des trente dernières années. On reste prisonnier du même modèle, celui d’un État centralisateur qui en vient à régir jusqu’au moindre détail de la vie scolaire.
On ajuste des coefficients, on simplifie quelques procédures, on modifie tel décret : tout cela n’est pas mal, concédons-le, mais relève d’une correction de paramètres plutôt que d’une réforme en profondeur. On équilibre le budget, mais on ne touche pas aux causes du malaise.
« Quand vous transformez un enseignant en exécutant de normes déconnectées du contexte, vous risquez de détruire sa motivation. »
21News : Quel est, selon vous, le nœud structurel de ce malaise ?
X. F. : L’omniprésence de l’État. L’enseignement fait l’objet d’une tendance au micro-management par les règles, les procédures et les décrets. L’administration publique se mêle de tout par de trop nombreuses réglementations : du contenu détaillé et des changements des référentiels et des programmes, des grilles d’horaires, des orientations pédagogiques, des évaluations, des critères de réussite, des procédures de suivi des élèves en difficulté, des adaptations individuelles aux troubles d’apprentissage, du recrutement des enseignants, de l’attribution des fonctions, de l’inscription des élèves, des procédures disciplinaires …
Cette hypertrophie bureaucratique asphyxie les écoles et les enseignants. Plusieurs quittent la profession ou traversent des phases de découragement non pas à cause des salaires, mais parce qu’ils n’ont plus la maîtrise de leur métier. Il peut y avoir une certaine perte du sens de notre autonomie, de la fierté de faire sortir le meilleur de nos élèves et de décider comment y parvenir, en accord avec la direction d’établissement d’abord, et ensuite avec des collègues et des parents d’élèves réunis par une adhésion libre et cohérente à une vision pédagogique commune propre à chaque école et pouvant être très différente d’une école à l’autre.
Quand vous transformez un enseignant en exécutant de normes déconnectées du contexte, vous risquez de détruire sa motivation. Et la réforme actuelle ne revient pas de manière déterminante sur cette perte de liberté.
21News : Vous dites que l’État n’a pas créé la majorité des écoles qu’il régit aujourd’hui. Pouvez-vous apporter des précisions sur ce point ?
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