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En Belgique, la taxation des plus-values sera aussi une taxe sur l’inflation (Carte blanche)

par Contribution Externe

À partir de 2026, la Belgique instaurera une taxe de 10 % sur les plus-values mobilières. Présentée comme une mesure d’équité fiscale, cette réforme entend faire contribuer davantage les revenus du capital. En apparence, l’idée semble juste : celui qui réalise un gain devrait participer à l’effort collectif. Mais derrière cette logique de surface se cache un biais fondamental. En réalité, une taxation des plus-values nominales revient à taxer l’inflation, c’est-à-dire à imposer la simple conservation du pouvoir d’achat.

Imaginons un épargnant belge qui investit 100 euros dans un portefeuille rapportant 6 % par an, un rendement prudent mais réaliste pour un placement diversifié à long terme. Si l’inflation moyenne est de 3 %, la valeur réelle de son investissement, corrigée de la hausse des prix, ne croît que de 3 % par an. Après quarante ans, le capital brut atteint 1 028 euros. Corrigé de l’inflation, ce capital ne représente plus que 326 euros en pouvoir d’achat réel. Et si l’on applique la taxe de 10 % sur la plus-value nominale, la valeur finale chute à 258 euros. Autrement dit, une taxation affichée de 10 % sur la plus-value se traduit en réalité par une ponction de 30 % sur le gain réel (158 euros de gains au lieu de 226 euros). Ce n’est plus une taxe sur l’enrichissement, mais une taxe sur la protection contre l’érosion monétaire.

Ce biais est d’autant plus préoccupant qu’il s’inscrit dans un pays déjà champion du monde de la pression fiscale. Selon l’OCDE, la Belgique figure au deuxième rang mondial pour la charge fiscale globale sur les revenus du travail, derrière la France, avec un taux qui dépasse souvent 53 % pour un salarié moyen. Les ménages y subissent déjà un cumul d’impôts sur le revenu, de charges sociales, de TVA et d’accises record. Introduire, dans ce contexte, une nouvelle imposition sur l’épargne revient à frapper une dernière poche de résilience : celle de ceux qui tentent simplement de préserver la valeur de leur capital face à l’inflation.

Le problème n’est pas la taxation en soi, mais la manière dont elle est conçue. En Belgique, aucun mécanisme d’indexation n’est prévu pour corriger la plus-value de l’effet de l’inflation. Dans d’autres pays, comme le Royaume-Uni ou l’Australie, le calcul de la plus-value tient compte de la hausse générale des prix : la base imposable est ajustée pour ne taxer que la richesse réellement créée. Ici, ce correctif n’existe pas. L’État taxe donc non pas un profit réel, mais un chiffre gonflé par la simple dépréciation de la monnaie.

Les conséquences sont évidentes. Cette réforme pénalise l’épargne longue, celle qui soutient l’économie réelle et le financement des entreprises. Plus l’horizon d’investissement est étendu, plus la part de gain illusoire liée à l’inflation augmente, et plus la fiscalité devient confiscatoire. L’investisseur patient se retrouve paradoxalement plus taxé que le spéculateur de court terme. Par ailleurs, elle accentue une double peine : l’inflation agit déjà comme une taxe invisible sur l’épargne, mais elle devient ici la base même d’un impôt supplémentaire. Enfin, elle renforce une inégalité générationnelle : l’épargnant de trente ans verra ses rendements laminés par l’inflation et la fiscalité combinées, quand celui de soixante ans y échappera en partie par simple effet de durée.

Cette réforme intervient en outre à un moment où les citoyens doivent précisément se constituer une épargne de long terme pour faire face à leurs vieux jours. Chacun sait que le système de retraite par répartition belge, fragilisé par la démographie et la dette publique, ne pourra garantir les mêmes niveaux de pension qu’hier. Dans ce contexte, décourager l’investissement patient revient à priver les ménages d’un outil essentiel de sécurité future. C’est une contradiction majeure entre le discours politique sur la responsabilité individuelle et la réalité fiscale qui la punit.

Le paradoxe est double, car les entreprises belges souffrent déjà d’un déficit chronique de fonds propres. L’épargne nationale, détournée de nos entreprises, ne finance plus suffisamment l’économie domestique.  L’État prétend taxer la richesse, mais il sape en réalité la base même de la création de valeur.

La taxation des plus-values pourrait être défendable si elle reposait sur un principe clair : taxer le gain réel, et non l’illusion monétaire. En confondant les deux, la Belgique s’engage sur une voie économiquement incohérente et moralement discutable. Elle décourage l’investissement patient, affaiblit la confiance dans l’épargne et transforme l’inflation, déjà une charge silencieuse, en source de revenu fiscal.

Dans le deuxième pays le plus taxé au monde, la nouvelle taxe sur les plus-values ne vient pas corriger une injustice : elle en crée une nouvelle. En voulant taxer la richesse, l’État finit par taxer la prudence. Et dans un pays où l’inflation moyenne des quarante dernières années dépasse 3 %, cette prudence n’est pas un privilège, mais un simple acte de bon sens économique.

Xavier Corman, Entrepreneur dans la Fintech (contribution externe)

(Photo Belgaimage)

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