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Quand la Belgique s’effondre sous le poids du compromis (Carte blanche)

par Contribution Externe
©PHOTOPQR/LE PARISIEN/ARNAUD DUMONTIER

Une carte blanche de Xavier Corman, entrepreneur

La Belgique adore le compromis. C’est sa marque de fabrique, son ADN politique. On le présente souvent comme une force, une preuve de maturité démocratique. En réalité, c’est devenu une habitude de confort. À force de chercher à tout prix à ménager chaque camp, on a fini par faire du compromis non plus un outil, mais une fin en soi. Et quand tout le monde est un peu satisfait, plus personne n’est vraiment responsable.

Depuis plus de quarante ans, les gouvernements qui se succèdent n’ont jamais profité d’une embellie économique pour remettre les comptes à flot. Chaque fois que l’économie respire un peu, l’État en profite pour dépenser davantage, distribuer, promettre. Rembourser la dette ? Personne n’en parle. Résultat : même dans les bonnes années, la Belgique reste en déficit. Et chaque crise suivante nous prend un peu plus affaiblis.

Chaque coalition reconduit la même mécanique budgétaire : un tiers d’économies, un tiers de nouvelles recettes, un tiers d’“autres mesures”. En apparence, un équilibre. En réalité, une illusion. Car la part dite d’économies n’est jamais une vraie réduction, mais simplement une moindre hausse. Et les nouvelles recettes s’ajoutent à des augmentations déjà structurelles. Résultat : sans jamais oser réformer, nous sommes devenus le deuxième pays le plus taxé du monde.

Avec plus de 53 % du PIB en dépenses publiques et une pression fiscale supérieure à 47 %, la Belgique figure dans le peloton de tête mondial. Mais contrairement aux pays nordiques, elle n’en retire ni la qualité des services, ni la transparence administrative. Nous payons toujours plus, pour toujours moins.

Cette dérive n’est pas qu’économique, elle est aussi culturelle. Le compromis, dans notre imaginaire collectif, est une vertu. Mais lorsqu’il devient un mode de gouvernance permanent, il se transforme en fuite de responsabilité. Personne ne décide vraiment, tout le monde se protège. Résultat : un pays paralysé par la peur de trancher.

Face à cette spirale d’auto-intoxication budgétaire, un seul parti a osé dire non. On aurait pu croire qu’il viendrait du Nord, flamand et libéral. Il est en fait francophone, mené par un homme qui, à contre-courant de sa propre base souvent étatiste, habituée à vivre dans le confort du système, a compris que la survie du pays passe par une rupture nette avec la dépense publique sans fin.

On peut critiquer le personnage, son style, son ego ou ses provocations. Mais il faut reconnaître qu’il est aujourd’hui le seul à résister à cette logique du statu quo.

Cette résistance est d’autant plus nécessaire que la facture de l’inaction ne cesse de grimper. La productivité stagne, les investissements privés se délocalisent, les PME croulent sous la paperasse et les cotisations. En 2025, un indépendant belge doit travailler près de sept mois par an pour l’État avant de commencer à vivre de son travail. Et que reçoit-il en retour ? Des infrastructures délabrées, une mobilité paralysée, une insécurité croissante, des soins de santé sous tension.

Nous avons les impôts parmi les plus élevés du monde, mais un retour sur impôt parmi les plus faibles. La Belgique est devenue une machine à prélever sans délivrer, un État obèse qui dépense sans réformer.

Même le MR, qui devrait incarner la réforme, se contente de retouches cosmétiques. Les vrais tabous restent intacts : le coût des pensions du secteur public, l’explosion du nombre de fonctionnaires, la redistribution à guichet ouvert. Tant que ces sujets resteront intouchables, toute réforme restera symbolique.

L’avenir de la Belgique ne dépend pas d’un énième compromis, mais d’un sursaut de lucidité. Tant que le pouvoir continuera à croire qu’on réforme sans contrarier, qu’on équilibre sans réduire, et qu’on gouverne sans choisir, le pays poursuivra sa lente glissade vers l’insignifiance.

À défaut d’un véritable électrochoc, il ne reste qu’un maigre espoir : soutenir la plus faible des tendances réformatrices, aussi timide soit-elle. Parce qu’en Belgique, l’eau tiède reste encore la seule à ne pas brûler.

Xavier Corman, contribution externe

(Photo : Arnaud Dumontier / Le Parisien)

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