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Dans notre pays, la violence envers les politiques finira par tuer (Carte blanche)

par Contribution Externe
Photo publique Facebook

Une carte blanche de Marcela Gori, vice-présidente (MR) du CPAS d’Anderlecht

Vous avez vu, la Ministre Jacqueline Galant a publié cette semaine une vidéo qui reprend une partie des commentaires haineux qu’elle reçoit ? On peut y voir la violence verbale qu’elle subit : menace, moquerie sur son physique, dénigrement, attaques sur la vie privée… Ça va de « on dirait un homme » à « t’irais pas à la salle de sport au lieu de dire des conneries ? » en passant par « voilà la connasse de retour ». Vous pensez que Jacqueline Galant est un cas isolé ? Loin de là. L’année dernière, la VUB a interrogé 215 politiciens et politiciennes (fédéraux et régionaux). La conclusion est sans appel : la violence en ligne — insultes, menaces, intimidations — est une occurrence quasi quotidienne pour « la plupart » des répondants.

Mais la violence n’est pas que sur les médias sociaux : certains politiciens reçoivent des lettres anonymes, des menaces physiques, et même des menaces de mort. Ces dernières années, les exemples se sont multipliés en Belgique. En 2023, Vincent Van Quickenborne, alors ministre fédéral de la Justice, est menacé de mort par des trafiquants de drogue. Le 5 octobre 2025, Georges-Louis Bouchez, président du MR, a indiqué avoir reçu des menaces de mort venant d’un individu armé. Lors des perquisitions, la police a trouvé une arme au domicile du suspect. Ces derniers mois, Zuhal Demir, la Ministre flamande a été menacée de mort et de viols ; Adrien Dolimont, Ministre-président wallon a dû être récemment mis sous protection policière. La liste est loin d’être exhaustive. Et c’est sans compter la violence les élus moins connus (bourgmestres, conseillers communaux…) dont on ne parle pas. 

Un réel danger pour la démocratie

La violence envers les politiques n’est pas sans conséquences. La première est le découragement des vocations politiques. Un récent rapport de parlement européen sur les violences envers les femmes politiques se conclut de la manière suivante : « La violence contre les femmes engagées en politique constitue un obstacle sérieux à la participation politique. Ces violences (physiques, verbales, en ligne, intimidation, etc.) dissuadent de nombreuses femmes — en particulier de jeunes femmes — de se présenter ou de continuer leur travail politique ». 

Mais la violence a aussi des conséquences psychologiques importantes sur ceux qui les subissent. Parce que les attaques sont parfois coordonnées. De véritables armées de troll vont s’attaquer à une proie, jusqu’au renoncement de celle-ci. Puis elles vont s’attaquer à une autre. 

Enfin, à force d’être attaqué sur certains sujets, il y a un risque d’auto-censure. 

Le MR, ce parti qu’on peut insulter sans problème 

Il y a dans notre pays un parti qui est la cible d’une violence inouïe, le MR, le parti auquel j’appartiens. Elle se traduit par des menaces en ligne quotidiennes, par des insultes en rue, par des dégradations de ses bâtiments, mais aussi par des manifestations devant des lieux de réunion où se tiennent des conférences. Et là, la violence est même physique. 

Je suis évidemment pleinement pour le droit à la contestation, et je me « battrai » toujours pour que ceux qui ne pensent pas comme moi puissent tout de même s’exprimer. Mais l’utilisation de la violence est inacceptable. 

Et vous savez ce qu’il est encore plus à mes yeux ? Qu’une partie de la gauche se taise ou la justifie. 

Cette justification de la violence n’est pas récente. Dans son texte datant de 1921 « Sur la violence » (en allemand Über die Gewalt), l’écrivain communiste allemand Bertolt Brecht écrit ceci : « On dit d’un fleuve emportant tout qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des digues qui l’enserrent ». Brecht suggère que la violence ne se limite pas à ce qui est manifestement destructeur : il y a une forme de violence moins visible, mais tout aussi réelle — celle des cadres, des inégalités, de l’oppression. Vous l’aurez compris, quand la violence vient de la gauche, c’est de la résistance. Quand elle vient de la droite, c’est du fascisme. 

Cette rhétorique de la violence justifiable est utilisée depuis plusieurs mois par des cadres du PS et du PTB. Et elle repose sur une logique simple : la violence de la rue n’est rien comparée à la violence invisible que subissent les travailleurs belges au quotidien.

Il suffit d’écouter les interviews de certains politiques ou de lire les posts sur les Médias sociaux : « Le gouvernement est violent avec vous », « Vous êtes attaqués par le MR ». « Votre colère est légitime »., « Vive la révolution »… 

Le vocabulaire n’est pas anodin, et il est très dangereux : à force de dire à des personnes qu’elles sont victimes, il ne faudra pas s’étonner le jour où une « victime » décidera de se venger de son « agresseur ». Si rien ne change, si les clivages s’intensifient, je pense que, malheureusement, dans notre pays, la violence envers les politiques finira par tuer. 

Marcela Gori, vice-présidente (MR) du CPAS d’Anderlecht

(Photo publique Facebook)

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