Ce qui n’était qu’un dossier de prestations mal encodées s’est mué en suspicion d’organisation criminelle, avec une fraude sociale estimée à plusieurs millions d’euros, révèle HLN.
Les enquêteurs cherchent à déterminer si Mme Sander dirigeait depuis des années un système structuré impliquant infirmières et aides-soignantes. Des écoutes téléphoniques, ordonnées par un juge d’instruction, doivent éclairer la répartition des rôles, l’existence d’instructions hiérarchisées et d’éventuels abus de confiance. Selon l’auditorat du travail, l’élue aurait déclaré pendant des années des visites qui n’avaient jamais eu lieu, jusqu’à 90 par jour selon certaines sources. En tant qu’indépendante, elle introduisait elle-même ses prestations auprès de l’INAMI, permettant aux mutuelles d’effectuer les remboursements. L’enquête estime que 3,5 millions d’euros auraient été indûment perçus en trois ans et demi.
Un dossier vieux de huit ans
Le dossier remonte à 2017, date d’une première plainte. Après plusieurs vérifications, l’auditorat a jugé nécessaire de saisir un juge d’instruction, qui a placé Sander sur écoute. L’enquête se déroulait donc depuis longtemps lorsque des perquisitions ont eu lieu le 17 novembre. Dix-sept véhicules ont été saisis. Sander, sa mère, son compagnon G.L. et une collaboratrice ont été interpellés, mais seule l’infirmière a été placée sous mandat d’arrêt. Le lendemain, d’autres perquisitions ont visé deux aides-soignantes travaillant avec elle.
Selon HLN, l’élue se trouvait au sommet d’une petite structure comprenant une autre infirmière et plusieurs aides-soignantes dépendantes d’elle pour leurs tournées. L’une d’elles s’est présentée spontanément à la police après les révélations médiatiques. Son domicile a été perquisitionné, mais elle n’a pas été inculpée. Son avocate, Virginie Cottyn, affirme que sa cliente « suivait strictement les instructions » et n’avait aucun pouvoir de décision : « Une aide-soignante ne détermine jamais le degré de dépendance d’un patient. Elle a expliqué en détail sa manière de travailler. »
Cette collaboratrice assure n’avoir jamais eu connaissance du train de vie luxueux attribué à Sander. Lors des auditions, certains extraits des écoutes ont été présentés. Le compagnon de l’élue, lui, n’a pas été confronté aux enregistrements : il vivait auprès d’elle mais ne travaillait pas dans le secteur. Il soutient n’avoir rien su des activités de sa partenaire.
Deux autres aides-soignantes ayant collaboré par le passé avec Sander ont été contactées : l’une n’a pu être jointe, l’autre n’a pas souhaité s’exprimer. Toujours détenue, Stefanie Sander nie fermement toute fraude. Les enquêteurs poursuivent leurs analyses pour établir qui savait quoi et qui exécutait les ordres. Les conclusions ne sont pas attendues avant plusieurs mois, tant le chantier judiciaire demeure vaste et complexe.
La rédaction
(BELGA PHOTO KURT DESPLENTER)