La publication de la nouvelle Stratégie de sécurité nationale américaine a donné un relief inédit aux critiques que Donald Trump adresse depuis plusieurs semaines aux dirigeants européens. Dans ce document de 29 pages, le président américain affirme vouloir redéfinir les priorités géopolitiques des États-Unis au nom d’un “réalisme flexible”, reléguant l’Europe au second plan et l’accusant de courir au “déclin civilisationnel”. Une charge qui a jeté le trouble sur le Vieux Continent, tout en trouvant un écho favorable auprès de certains dirigeants, notamment à Budapest ou Varsovie.
Le texte, présenté comme la matrice de l’action extérieure américaine, affirme que l’Europe risque une “effacement civilisationnel” si elle ne corrige pas sa trajectoire, en particulier sur l’immigration. À la Maison Blanche, Trump a ensuite enfoncé le clou : “L’Europe prend certaines mauvaises directions. C’est très mauvais pour les gens. Nous ne voulons pas que l’Europe change autant.” Le message est clair : Washington considère que la gestion migratoire européenne fragilise les nations du continent et menace leur identité.
Le président américain s’en est d’ailleurs pris plus directement aux dirigeants européens lors d’un entretien avec Politico, les accusant d’être “faibles” et “politiquement corrects”. Selon lui, les gouvernements du Vieux Continent “ne savent pas ce qu’ils font” et “ne savent pas ce qu’il faut faire” face à l’arrivée de migrants porteurs, dit-il, “d’idéologies” susceptibles d’affaiblir l’Europe. Il estime également que l’incapacité des Européens à mettre fin à la guerre en Ukraine prouve leur manque d’autorité : “Ils parlent, mais ils n’agissent pas, et la guerre continue sans fin.
Une redéfinition des priorités
L’orientation stratégique américaine inquiète d’autant plus qu’elle s’accompagne d’une redéfinition des priorités de Washington. Le document met au premier plan la restauration de la prééminence américaine dans l’hémisphère occidental et un renforcement militaire dans l’Indo-Pacifique. L’Europe, elle, apparaît comme l’un des “perdants” de cette redistribution, selon plusieurs experts américains. La volonté exprimée par Washington de voir les Européens assumer la majorité des capacités conventionnelles de l’OTAN confirme ce glissement : moins d’attention, moins de ressources et davantage d’exigences.
Le texte, présenté comme la matrice de l’action extérieure américaine, affirme que l’Europe risque une “effacement civilisationnel” si elle ne corrige pas sa trajectoire, en particulier sur l’immigration.
Si ces déclarations ont suscité une onde de choc dans la plupart des capitales européennes, elles ont été saluées par certaines personnalités, dont le premier ministre hongrois Viktor Orbán. Dans un message enthousiaste, celui-ci a qualifié la stratégie américaine de “document le plus important de ces dernières années”, estimant que Washington avait parfaitement compris le “déclin civilisationnel à grande échelle” qui menacerait l’Europe. Pour Orbán, les États-Unis reconnaissent désormais “l’impasse économique” et les faiblesses structurelles du continent, ainsi que la nécessité de repenser la relation avec la Russie, une position qu’il défend depuis longtemps.
La convergence entre Budapest et Washington est renforcée par la proximité idéologique entre Trump et certains gouvernements d’Europe centrale, notamment la Hongrie et la Pologne, dont le président américain loue régulièrement les politiques migratoires restrictives. Trump a d’ailleurs soutenu la candidature d’Orbán et assure être prêt à appuyer d’autres dirigeants européens s’ils adoptent une ligne conforme à sa vision.
Un risque de rupture ?
Pour le reste de l’Europe, les signaux envoyés par la Maison Blanche sont plus inquiétants. Le ton employé par Trump — menaçant même de “rupture” avec l’Allemagne et la France — marque l’un des épisodes les plus virulents de son mandat vis-à-vis des alliés européens. Alors que le continent tente de moderniser ses armées pour faire face à la Russie, la remise en cause américaine arrive à un moment critique et fragilise un lien transatlantique déjà mis à l’épreuve.
Cette nouvelle stratégie confirme que pour Trump, l’Europe n’est plus un pilier incontournable de la politique étrangère américaine mais un partenaire en déclin, incapable d’affirmer son identité, débordé par la question migratoire et trop dépendant du parapluie américain. Un changement de paradigme qui pourrait, à terme, redéfinir en profondeur les équilibres du monde occidental.
La rédaction, avec Maxence Dozin
(Credit : Daniel Torok / Avalon)