Comprendre l’hostilité voire la haine envers Israël dans certains milieux nécessite une plongée dans les mécanismes profonds de formation de l’opinion, estime Willy Danenberg, consultant en management de crise et essayiste. Nous sommes face à une véritable « tempête parfaite », un alignement de forces narratives, psychologiques et géopolitiques qui influencent radicalement notre perception du conflit israélo-palestinien au détriment d’Israël.
En tant que consultant, essayiste et romancier spécialisé dans la gestion du changement et des crises, j’observe que la complexité des récits humains façonne notre réalité collective. Comprendre l’hostilité voire la haine envers Israël dans certains milieux requiert une analyse des mécanismes d’opinions. C’est une « tempête parfaite » où différentes forces s’alignent, influençant profondément nos perceptions.
On peut regrouper les opinions à l’égard d’Israël en trois grandes catégories : personnelles, religieuses/politiques et scientifiques/objectives.
- Opinions personnelles / subjectives
Ces opinions intimes, formées par notre éducation, notre milieu et nos valeurs, sont fluides.
Pour un Israélien, l’opinion est façonnée par la persécution juive (l’Holocauste en Europe), le besoin d’une patrie sûre, la trahison ressentie (ex : de Gaulle en 1967), et l’exode forcé de communautés juives des pays arabes (représentant environ 55% des Juifs israéliens). Ces expériences priorisent la sécurité et la souveraineté. Il refuse de se convertir à l’Islam ou d’être un « Dhimmi », un statut de soumis à l’Islam.
Pour un Palestinien, l’opinion est forgée par le vécu du déplacement et de l’occupation, et le désir d’autodétermination. Pour des groupes comme le Hamas, l’objectif est l’instauration d’un État islamique sur l’ensemble du territoire palestinien, s’inscrivant dans l’idéologie des Frères musulmans visant une unification plus large du monde musulman. Le Hamas a obtenu la majorité des voix à Gaza lors des élections législatives palestiniennes de 2006 et est porté par des pays comme le Qatar.
Pour un Occidental – et notamment les Européens –, l’opinion est souvent indirecte, influencée par les médias, l’éducation historique et les préoccupations humanitaires, menant à l’empathie pour un camp ou à une défense universelle des droits humains jugée sous un prisme occidental et qui n’accepte pas les pays et les leaders dits « nationalistes ».
- Opinions religieuses / politiques
Ces opinions sont élaborées et diffusées par des institutions pour façonner l’identité collective.
Pour de nombreux pays musulmans, le conflit est perçu sous le prisme de la solidarité religieuse et panislamique, centrée sur les Palestiniens et Jérusalem. Le récit insiste sur l’injustice d’Israël pour rallier le soutien populaire ou affirmer un leadership régional. Le terme « Sioniste » est souvent utilisé péjorativement. Bien que le Coran mentionne le lien historique du peuple d’Israël avec la Terre sainte, les interprétations dominantes ne reconnaissent pas la légitimité de l’État moderne d’Israël sur ces territoires, le considérant comme une occupation.
Pour des segments de l’extrême gauche et du wokisme, le conflit est interprété comme une lutte contre le colonialisme et l’oppression systémique. Israël est dépeint comme un « État colonial de peuplement », s’alignant sur un récit anti-impérialiste qui peut minimiser les complexités historiques et sécuritaires.
- La compréhension scientifique / objective : La quête des faits vérifiables
Cette approche cherche à s’affranchir des sentiments, se fondant sur l’observation systématique et l’analyse de preuves tangibles.
Elle concerne l’examen de documents historiques, données démographiques, cadres juridiques internationaux (Société des Nations, ONU, Conventions de Genève) et analyses géopolitiques.
L’objectif est d’identifier les causes profondes, les dilemmes de sécurité, les disparités économiques et les impacts psychologiques pour explorer des solutions pragmatiques.
Le conflit et la distorsion : une tempête parfaite d’opinions
Le défi majeur est la manière dont ces opinions interagissent et se déforment. L’expérience subjective peut être exploitée par des récits politiques/religieux simplistes. Les faits objectifs sont souvent ignorés s’ils contredisent le récit établi, alimentant la désinformation et rendant le dialogue difficile.
L’exploitation de cette haine : alignements et stratégies d’influence
Cette distorsion des récits mène à une exploitation active de la haine, catalysée par l’alignement de groupes qui trouvent dans la critique d’Israël un terrain d’entente, s’accompagnant souvent d’un détournement sémantique de concepts clés.
L’extrême gauche en UE : Sa lecture anticoloniale perçoit Israël comme une force oppressive, rejetant les préoccupations sécuritaires et les liens historiques juifs. Par exemple, le mot « colon » est perçu en Occident et en arabe comme désignant un occupant illégitime. En revanche, l’hébreu utilise « mitnachel » (celui qui s’installe), dérivé de « nachala » (héritage), impliquant un « héritier » qui revient sur sa terre ancestrale. Cette divergence linguistique illustre des conceptions radicalement différentes de la légitimité. Cette tendance politique assimile le conflit à une oppression systémique, catégorisant les Palestiniens comme « minorités opprimées » et les Israéliens comme « oppresseurs ». Cette simplification binaire génère une forte animosité amplifiée par les réseaux sociaux.
Les mouvements anti-mondialistes et antisystème : Ils critiquent les « élites mondiales » et les systèmes financiers. Israël peut devenir un symbole pour ces théories, parfois teinté de clichés antisémites.
Certaines puissances étatiques : elles instrumentalisent ce conflit en finançant des ONG, des universités et des réseaux d’influence. Ces puissances alliées à d’autres non démocratiques et majoritaires à l’assemblée générale de l’ONU déploient des stratégies d’influence au sein des instances internationales (ex : CPI – Cour Pénale Internationale) pour façonner les débats et l’interprétation des conventions, même si les traités requièrent une ratification souveraine et arrivent à faire croire que ces instances ont des droits supranationaux.
Un soft-power contre Israël
Certaines puissances musulmanes et l’Iran : au-delà de la solidarité religieuse, des États comme l’Iran instrumentalisent le conflit pour leurs ambitions géopolitiques. En finançant et en armant des groupes non étatiques (Hamas, Hezbollah), l’Iran utilise la cause palestinienne pour étendre son influence régionale, défier ses rivaux et affaiblir les alliés occidentaux. Pour eux, c’est un levier stratégique pour la légitimation de leur régime et la déstabilisation régionale.
Dans ce contexte géopolitique, il est notable qu’il existe 22 pays arabes et 50 pays à majorité musulmane à travers le monde, face à un seul État d’Israël accusé d’être un état « colonialiste ». Cette réalité démographique et politique confère à la critique d’Israël une dimension supplémentaire, souvent instrumentalisée et paradoxale.
L’Islam est né dans la péninsule Arabique au VIIe siècle et s’est ensuite propagé et colonisé, notamment par des conquêtes et des conversions, pour former de vastes empires et des nations aujourd’hui majoritairement musulmanes. Cette expansion historique a transformé des régions et des peuples originellement non musulmans. Contrairement à cette dynamique, le conflit israélo-palestinien actuel se déroule dans un contexte où les populations juives, bien que soumises à diverses pressions historiques, ont maintenu leur identité religieuse et culturelle distincte, refusant la conversion à d’autres confessions.
En substance, la « science » décrit les faits, les opinions « religieuses/politiques » dictent comment réagir, et nos opinions « personnelles » filtrent tout, renforçant les préjugés. Le conflit israélo-arabe illustre cette dynamique où des croyances profondes et des agendas politiques éclipsent l’analyse objective, rendant la résolution d’autant plus ardue.
Willy Danenberg, consultant en management de crise, essayiste
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