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La Belgique et l’OTAN : solidarité internationale versus solidarité nationale (Carte blanche)

par Contribution Externe

L’État belge, qui vit largement au-dessus de ses moyens, dépensera davantage pour assurer sa place au sein de l’OTAN. Mais cette protection militaire est-elle indispensable ? Faut-il consacrer 5% du PIB à notre Défense, au détriment de la cohésion nationale ? Une carte blanche de Carl-Alexandre Robyn, Ingénieur-conseil en valorisation de startups.

Vouloir, à tout prix (5% du PIB !), faire partie du Traité de l’Atlantique Nord ne serait-ce pas, au fond, comme se sur-assurer pour apaiser une anxiété pathologique, le syndrome de l’hypocondriaque, un trouble anxieux caractérisant une préoccupation excessive et une peur intense d’avoir maille à partir avec la Russie, même en l’absence de preuve tangible d’une volonté d’envahissement ou de destruction de notre territoire ?

Notre Royaume bénéficie d’une sublime situation géographique : par mer, terre, ou air, pour nous envahir ou nous détruire, les Russes devraient violer les territoires de nos voisins, tous membres de l’OTAN, devenue beaucoup plus puissante depuis l’adhésion de la Suède et de la Finlande et le renforcement des armées allemande et polonaise.

L’OTAN à tout prix ?

On nous demande une cotisation colossale certaine pour un supplément de protection militaire internationale somme toute marginale et assez théorique (cf. débats actuels sur l’interprétation et l’application effective du fameux article 5 du Traité), et pour un risque maximal.

En effet, en cas de conflagration mondiale impliquant l’OTAN, notre Royaume, plus que n’importe quel autre pays membre, a la garantie de se ramasser une ou plusieurs ogives nucléaires. Les probabilités d’être le réceptacle de frappes nucléaires tactiques ou de dissuasion sont en effet plus grandes pour nous que pour les Portugais, les Lettons ou les Espagnols, puisque nous abritons les quartiers généraux de l’OTAN et du SHAPE. Deux cibles hautement emblématiques si la Russie devenait notre ennemi existentiel. Le risque d’être atomisé n’en vaut pas la chandelle.

Et même si la défense contre des menaces militaires extérieures était assurée, notre appartenance à l’OTAN ne nous mettrait pas à l’abri des menaces intérieures : agitation sociale, troubles à l’ordre public par une population clivée (bellicistes versus pacifistes), excédée par les dérives de nos finances publiques (État surendetté, population surtaxée…), outrée par la frénésie endettatoire de gouvernants parfois pinocchiesques.

De l’utilité des F-35

Exploser nos finances publiques pour alimenter une institution internationale de défense, alors que nous ne sommes ni menacés ni attaqués, c’est provoquer inutilement la colère de la population exaspérée de voir qu’on sacrifie son modèle social. L’argent des contribuables n’irriguant alors plus la redistribution nationale mais étant canalisé par et pour une coterie d’industriels de guerre (complexe militaro-industriel).

Par ailleurs, nos obligations collectives vis-à-vis de l’OTAN nous poussent à faire des choix stratégiques très discutables pour notre propre défense du territoire belge. Les avions F-35 ne rapportent pas grand-chose à la Belgique ni sur le plan économique, ni sur le plan militaire. Cela renforce le chiffre de la force aérienne otanienne, mais cela ne consolide pas forcément la défense du territoire belge.

En effet, en cas de conflit que pourraient faire nos magnifiques et très coûteux F-35 contre des missiles ou des essaims de drones ? Ce que nous démontre aujourd’hui l’évolution du conflit en Ukraine et en Israël c’est que pour le même prix, nous serions mieux lotis avec des systèmes de missiles  « Patriot ».  Ce dont nous avons besoin pour assurer nous-mêmes notre propre défense  c’est d’un « dôme de fer ».

Les inconvénients  de notre participation à l’OTAN ne sont pas, et de loin, compensés par les avantages.

La directive de l’OTAN impose un bouleversement budgétaire majeur et soulève de très fortes objections économiques dans le cas de la Belgique.

S’endetter pour quelles priorités ?

La Belgique est déjà un pays très endetté : la dette publique dépasse 104 % du PIB en 2024 et devrait atteindre près de 119 % d’ici 2029. Augmenter brusquement les dépenses militaires de 1,3 % à 5 % du PIB exigerait un effort colossal d’environ 30 milliards d’euros supplémentaires par an (ce qui correspond à peu près à 6 000 € par an par ménage, soit une somme importante prélevée sur le pouvoir d’achat des familles, projection sur la base d’un PIB 2024 de 614,5 milliards d’euros), aggravant les déficits publics (qui passeraient à 60 milliards € d’ici à 2029) et le coût de la dette, et contraignant le gouvernement à recourir potentiellement à de nouveaux emprunts européens ou des clauses dérogatoires budgétaires, ce qui alourdirait encore la charge pour les contribuables.

La population belge est déjà largement surtaxée et la pression fiscale figure parmi les plus élevées d’Europe, rendant toute augmentation d’impôt politiquement et socialement très risquée.

Les dépenses sociales occupent une place centrale dans le modèle belge, représentant près de 29 % du PIB. Toute allocation nettement accrue à la défense impliquerait, sans forte hausse de recettes, de sévères coupes dans les budgets sociaux ou d’autres services publics essentiels, ce qui affecterait notamment les populations les plus vulnérables et entraînerait de lourdes conséquences sociales ainsi qu’un fort mécontentement politique et public.

« Seuls des pays faisant face à des menaces existentielles ou disposant d’un contexte géopolitique unique (ex. Israël, Arabie saoudite) consacrent plus de 5 % du PIB à la défense. »

Le surendettement des ménages belges demeure préoccupant : on compte plus de 350.000 personnes en défaut de paiement de crédit, avec une croissance soutenue des arriérés et près de 3 milliards d’euros de remboursements en souffrance. En 2024, plus de 2,1 millions de Belges sont exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, soit environ 18,6% de la population. Dans ce contexte, alourdir la pression budgétaire sur l’État pourrait aussi accentuer la précarité de la population déjà vulnérable.

Effets économiques mitigés à court et moyen terme : une partie des dépenses de défense pourrait stimuler certains secteurs industriels domestiques, notamment les armements de haute technologie, ce qui pourrait favoriser une croissance économique modérée (estimations allant de 0,5% à 1,5% de croissance annuelle supplémentaire, selon les scénarios). Cependant, l’effet net pourrait être limité ou négatif si ces dépenses détournent des ressources d’autres secteurs à plus fort potentiel d’emploi et de croissance, comme l’éducation ou les énergies renouvelables.

Comparaisons internationales : seuls des pays faisant face à des menaces existentielles ou disposant d’un contexte géopolitique unique (ex. Israël, Arabie saoudite) consacrent plus de 5 % du PIB à la défense. Parmi les membres de l’OTAN, personne n’atteint ce seuil : les États-Unis sont autour de 3,3 %, la Pologne à 3 %.

Sans oublier les risques politiques importants et multiples :

  • Instabilité politique : l’augmentation massive des dépenses militaires exercerait une forte pression sur les programmes sociaux. Réduire ces dépenses sociales clés pourrait provoquer un fort mécontentement populaire et des tensions politiques, en particulier dans un gouvernement de coalition déjà fragilisé par des divisions régionales entre Flandre et Wallonie. Cela affecterait la cohésion sociale et pourrait déstabiliser la paix sociale en Belgique.
  • Pression sur la cohésion gouvernementale : trouver un équilibre entre l’engagement international à respecter les objectifs de l’OTAN et les priorités nationales de protection sociale représente un défi politique majeur. Cela pourrait exacerber les tensions au sein du gouvernement de coalition et fragiliser sa capacité à gouverner efficacement. La mise en œuvre de telles mesures impopulaires (coupe dans les services sociaux, hausse probable de la fiscalité) pourrait entraîner un rejet électoral des partis majoritaires, modifiant l’équilibre politique et la stabilité gouvernementale.
  • Perte de confiance dans les institutions : en cas de forte dégradation des conditions sociales et économiques, la confiance des citoyens dans le gouvernement et les institutions publiques pourrait s’éroder, alimentant le cynisme politique et le désengagement civique.

Les seuls avantages directs seraient d’ordre diplomatique ou de politique internationale, mais les coûts économiques et sociaux seraient extrêmement élevés et potentiellement insoutenables à moyen terme.

Pour notre petit Royaume, la balance entre solidarité collective et soutenabilité budgétaire est de plus en plus difficile à tenir. Avoir des idéaux de solidarité internationale, c’est bien, mais pas au détriment de la cohésion nationale.

En outre, une politique de neutralité militaire n’empêche pas de coopérer avec l’OTAN via le programme de Partenariat pour la paix, comme le font l’Irlande, l’Autriche et la Suisse, trois pays européens, non membres de l’OTAN et non menacés par la Russie…

Carl-Alexandre Robyn, Ingénieur-conseil en valorisation de startups (le chapô et les intertitres sont de la Rédaction)

(Photo Belga Éric Lalmand : le Premier ministre Bart De Wever et le ministre de la Défense Theo Francken (N-VA) au sommet de l’OTAN de La Haye, 24 juin 2025)

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