Selon le comité de suivi, le gouvernement fédéral se dirige vers un déficit budgétaire encore plus important que prévu, pouvant atteindre 5,5 % du PIB d’ici 2029. Les autorités régionales sont également dans une situation critique. La Région bruxelloise n’a même pas encore de gouvernement à part entière. La classe politique belge semble incapable de mettre de l’ordre dans ses affaires. Malgré cela, la pression fiscale pour les célibataires sans enfants qui travaillent n’est aussi élevée dans aucun autre pays de l’OCDE qu’en Belgique, où plus de 50 % du salaire brut est prélevé par l’État.
La majeure partie du budget fédéral est consacrée aux dépenses de sécurité sociale. Une grande partie de ces dépenses est consacrée aux soins de santé. Les dépenses de l’État fédéral et des entités fédérées dans ce domaine, exprimées en pourcentage du PIB, ont effectivement doublé depuis le début des années 70, passant d’environ 4 % du PIB à l’époque à environ 8 % aujourd’hui. Cette augmentation est beaucoup plus importante que pour les autres dépenses sociales. Ces dépenses de santé sont enfin prises en compte, après des années d’augmentation.
Au cours de la législature précédente, le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit), a obtenu que les dépenses de santé puissent augmenter en moyenne de 2,5 % au-dessus de l’inflation, ce qu’on appelle la « norme de croissance ». Pedro Facon, administrateur général adjoint de l’INAMI, a récemment déclaré à ce sujet : « Le gouvernement actuel va légèrement réduire la norme de croissance et mettre en œuvre des économies supplémentaires. (…) Cela devrait limiter l’augmentation des dépenses à un total cumulé de 4 milliards d’euros au-dessus de l’inflation pour l’ensemble de la législature. »
Vandenbroucke souhaite certainement mettre en œuvre un certain nombre d’« économies », ce qui signifie que les dépenses augmenteront moins fortement qu’auparavant. Il tente toutefois de lier cela au contrôle de l’État sur le fonctionnement de notre système de santé. Celui-ci est nettement plus performant que le système britannique étatiste, par exemple, selon presque toutes les comparaisons, précisément en raison du rôle important joué par les acteurs privés.
« Maître Frank » rappelé à l’ordre
Le socialiste Vandenbroucke, également connu sous le nom de « Maître Frank » en raison de son style plutôt moralisateur, souhaite notamment intervenir de manière très énergique dans la rémunération des médecins. En juin, il a proposé d’introduire un plafond de 125 % pour les suppléments d’honoraires dans les hôpitaux. Ces suppléments, que les médecins peuvent demander en plus de leurs tarifs fixes, par exemple lorsqu’un patient opte pour une chambre individuelle à l’hôpital, contribuent toutefois au financement des hôpitaux belges, qui sont assez à court d’argent, pour employer un euphémisme. Cela a déclenché une vague de protestations, au cours de laquelle une alliance inédite de médecins, de mutuelles et d’hôpitaux s’est opposée au projet de loi-cadre de Vandenbroucke, l’appelant explicitement à « respecter le modèle de concertation ».
Ils ont également lancé cet avertissement : « Nous sommes préoccupés par la manière dont ces réformes sont mises en œuvre. Elles sont élaborées à toute vitesse, sans débat préalable approfondi et en dehors des structures de concertation existantes. Quiconque réforme un élément fondamental du modèle de soins de santé ne peut le faire qu’en collaboration avec les personnes sur le terrain. » Le fait que les mutuelles – qui font elles-mêmes partie de facto du système public – aient partagé cette critique en dit long sur le radicalisme de Vandenbroucke. Patrick Emonts, président du plus grand syndicat de médecins, BVAS-ABSyM, a même déclaré sans détour que les projets de Vandenbroucke « nous conduisent vers un système autoritaire ». À la suite de cette protestation, qui s’est également accompagnée de critiques de la part du partenaire de coalition fédéral de gauche Les Engagés, Vandenbroucke a été contraint de revoir ses projets.
Une réforme de l’État en perspective ?
Cependant, des coupes budgétaires au niveau fédéral ne suffiront pas à assainir les finances publiques belges. Une nouvelle réforme de l’État semble inévitable, car le gouvernement fédéral n’est plus en mesure de faire face au vieillissement de la population et à la dette historiquement élevée, tandis que les régions nagent pour ainsi dire dans l’argent. Pour le dire de manière un peu imagée, le citoyen pourrait bien se voir répondre : « Malheureusement, nous ne pouvons pas vous payer une valve cardiaque, car nous avons besoin de cet argent pour le coach forestier flamand. »
Les soins de santé sont particulièrement visés, car cette compétence est actuellement très fragmentée entre le niveau fédéral et les entités fédérées. Même les socialistes flamands ont plaidé en ce sens il y a cinq ans, même s’ils voulaient uniquement décentraliser la mise en œuvre des soins de santé et maintenir l’« organisation » au niveau fédéral. Philippe De Backer, secrétaire d’État chargé de la task force numérique corona, a déclaré à ce sujet : « J’ai vu trop d’absurdités. Notre système ne fonctionne pas… On se heurte constamment à l’organisation et à la répartition illogique des compétences. Cela facilite également le transfert des responsabilités. »
Comme dans d’autres pays fédéraux, tels que l’Allemagne et l‘Espagne, il serait donc préférable de décentraliser davantage les soins de santé chez nous. Cela peut se faire en transférant simplement les compétences fédérales dans ce domaine au niveau qui reçoit déjà trop d’argent des contribuables par rapport aux tâches qu’il doit assumer : les États fédérés. En fait, la sixième réforme de l’État prévoyait déjà – par nécessité – que le transfert de compétences ne serait pas assorti des moyens correspondants, ce qui a contraint le ministre flamand du Bien-être, Jo Vandeurzen, à réaliser des économies il y a quelques années.
Des économies seront donc bien sûr nécessaires dans ces entités fédérées. Il n’y aura pas de soins de santé de qualité sans une réduction des nombreuses subventions inutiles accordées au niveau des entités fédérées.
Il est évident que cela sera particulièrement douloureux en Belgique francophone. La sixième réforme de l’État entraînera entre 2025 et 2035 également la suppression de certains transferts, ce qui touchera principalement la Région wallonne et la Région bruxelloise. À un moment donné, celles-ci ne seront donc plus « demandeuses de rien ». Selon toute vraisemblance, une nouvelle réforme majeure de l’État, avec davantage de tâches pour les entités fédérées sans transfert de moyens correspondants, sera, selon la bonne tradition belge, compensée par une nouvelle série de transferts vers les entités fédérées en difficulté qui ne peuvent financièrement pas assumer ces nouvelles tâches, à savoir une série de promesses sociales. Dans le cas de la Région bruxelloise, pratiquement en faillite, il faut espérer que des conditions strictes seront également imposées afin d’éviter que le malgoverno bruxellois ne se répète après cette opération de sauvetage par le contribuable flamand.
Confédéralisme
Fondamentalement, il faudrait également prendre la mesure la plus importante pour enfin calquer le modèle belge sur le modèle suisse : une scission du SPF Finances, dans le cadre de laquelle le niveau fédéral ne recevrait plus que des dotations des entités fédérées. Les États fédérés pourraient alors dépenser autant ou aussi peu qu’ils le souhaitent, mais ils devraient percevoir eux-mêmes les impôts nécessaires. Cela signifierait que la Belgique adopterait un modèle confédéral à part entière.
Une telle évolution est-elle réaliste à court terme ? Tout dépendra de la pression financière exercée sur le niveau fédéral et les entités fédérées, qui dépendra elle-même de la conjoncture et de la mesure dans laquelle la Banque centrale européenne continuera à maintenir artificiellement les taux d’intérêt belges à un niveau bas – au détriment de tous ceux qui épargnent en euros, cela va sans dire. Un coup d’œil à la situation économique dramatique en Allemagne et dans notre secteur chimique montre que le moment où la situation budgétaire dramatique servira de levier pour une réforme de l’État pourrait être plus proche que beaucoup ne le pensent. Si la Banque centrale européenne doit déjà soutenir la France, elle aura peut-être moins de ressources financières et surtout politiques à consacrer à notre pays, qui devra alors se débrouiller seul.
Il se pourrait bien que Bart De Wever finisse par mettre en œuvre une grande réforme de l’État.
Pieter Cleppe, rédacteur en chef – Brussels Report
(Photo : Belgaimage)