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Le PS joue l’avenir de la Région de Bruxelles-Capitale à la roulette russe (Carte blanche)

par Contribution Externe

La stratégie politique du PS bruxellois, qui refuse de s’associer à la N-VA, est suicidaire. Elle paralyse tout dialogue et plonge l’avenir de la Région dans l’incertitude. Une carte blanche de Pascal Lefèvre, chroniqueur politique indépendant.

Nous le savons depuis les dernières élections régionales bruxelloises du 9 juin 2025 : en politique, le ridicule ne tue plus. Un an, un mois et quelques jours après, il n’y a toujours pas de gouvernement de « plein exercice » à Bruxelles, capitale du pays, des institutions européennes et de l’OTAN.

Ce triste record mondial de durée de constitution d’un Exécutif régional résulte de diverses erreurs et tentatives de coalition avortées. Mais depuis fin novembre, date à laquelle les partis flamands, sous la houlette d’Elke Van den Brandt (Groen), ont dégagé une majorité côté néerlandophone, le blocage provient principalement du PS, qui s’oppose à toute participation de la N-VA à la tête de la Région.

Même la dernière proposition — la nomination d’un secrétaire d’État extra-parlementaire « N-VA compatible », approuvée par le parti nationaliste flamand et de surcroît prise sur le « quota » réservé au MR — ne trouve pas grâce aux yeux d’Ahmed Laaouej et des siens. Ceux-ci invoquent le prétexte qu’il pourrait être non pas simplement « approuvé », mais bel et bien « désigné » par le parti de Bart De Wever, ou qu’un de ses « sherpas » participerait aux négociations pour la mise en place du futur gouvernement.

À Bruxelles, le PS est devenu le meilleur allié de la N-VA

Le « bac à sable » n’est pas loin, et l’on pourrait éventuellement en rire, mais en agissant ainsi, le PS prend Bruxelles en otage et joue l’avenir de la Région de Bruxelles-Capitale à la roulette russe. Il devient même, en quelque sorte, le « meilleur allié de la N-VA » et de celles et ceux qui, en Flandre, ont toujours exprimé des doutes quant au statut de la Région bruxelloise, voire en rejettent l‘existence. La posture des socialistes francophones décrédibilise tout ce que les partis francophones et flamands ont tenté de construire depuis la création des institutions bruxelloises en 1989 et la prise en considération d’une « région à part entière ».

Tous les ingrédients d’une « opération kamikaze » sont ainsi servis sur un « plateau d’argent » aux nationalistes, séparatistes ou simplement sceptiques flamands de tous bords, N-VA, Vlaams Belang ou autre commun des mortels en Flandre. De quoi nourrir leurs critiques sur la gestion, le fonctionnement et la durabilité de la troisième région du pays : ingouvernabilité, insouciance face à la dette et à sa triple dégradation, préférence donnée à une alliance avec des communistes et des communautaristes musulmans, défiance vis-à-vis des Flamands et de la majorité parlementaire trouvée en leur sein (une première !), etc. Bref, tout ce que nos compatriotes néerlandophones du nord et du centre du royaume exècrent et considèrent comme contraire à leur notion de « degelijk bestuur » (« bonne gouvernance »), si chère à leurs yeux (et on les comprend !).

Une attitude contre-productive

Cette intransigeance est d’autant plus singulière qu’elle est tactiquement irréfléchie et historiquement contestable.

Sur le plan stratégique, au-delà de ce qui a été exposé plus haut concernant l’opinion flamande et sa perception de la réalité bruxelloise, refuser d’associer la N-VA aux négociations pour la formation d’un exécutif bruxellois – surtout lorsqu’il s’agit de mettre en place un gouvernement minoritaire bénéficiant du soutien extérieur de ce parti – est à la fois périlleux et contre-productif.

La meilleure manière de garantir une certaine stabilité gouvernementale consiste au contraire à intégrer la N-VA dans ces discussions et à s’assurer qu’elle valide le programme de la future majorité. À défaut, le parti nationaliste flamand n’aura aucun mal à contredire ou à contrecarrer telle ou telle décision du nouveau gouvernement, en arguant qu’il n’a jamais été invité autour de la table. N’oublions pas que, pour certaines matières, notamment sociales et de santé – deux thématiques importantes en Région bruxelloise –, une majorité des suffrages est requise dans les deux groupes linguistiques du parlement situé rue du Lombard.

Quant au passé politique – et il n’est pas nécessaire de remonter à Mathusalem pour cela –, comment expliquer de manière plausible que le PS ait accepté, en 2020, de discuter pendant des semaines avec la N-VA au niveau fédéral (Magnette et De Wever), y compris sur des questions cruciales touchant à l’avenir du pays, mais rejette tout échange au niveau inférieur, régional ?

Par ailleurs, les socialistes francophones n’ont pas hésité, à plusieurs reprises, à gouverner avec un autre parti nationaliste flamand, la Volksunie (VU), qui avait évolué vers le « confédéralisme » et entretenait un rapport ambigu avec la Région bruxelloise. Cela s’est produit tant au niveau national – sous les gouvernements Tindemans IV et Vanden Boeynants II en 1977-1978, puis Martens VIII de 1988 à 1991 – qu’au niveau régional bruxellois, avec les gouvernements Picqué I et Picqué II de 1989 à 1999. Pour rappel, la VU était alors représentée au gouvernement bruxellois par Vic Anciaux, qui n’était pas toujours ce qu’on pourrait qualifier de « francophone compatible ».

Comprenne qui pourra, mais en tout cas, tout cela n’est bon ni pour la Région bruxelloise ni pour les Bruxellois, de plus en plus lassés par ces bisbrouilles politiciennes et dont il ne faudra pas s’étonner qu’ils s’éloignent encore davantage de la politique.

Il est dès lors grand temps que le PS se ressaisisse !

Pascal Lefèvre, chroniqueur politique indépendant (le chapô et les intertitres sont de la Rédaction)

(Photo Belga : Éric Lalmand)

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