L’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE) avertit : sans adaptation, l’Europe risque de perdre toute influence dans un monde de plus en plus hostile. Pour M. Draghi, « l’illusion que le marché de 450 millions de consommateurs confère à l’Europe un pouvoir géopolitique et une influence dans les relations internationales s’est dissipée ».
Il y a près d’un an, en présentant son rapport sur la compétitivité de l’Union européenne (UE), Mario Draghi avait lancé un signal d’alarme, estime La Libre : en retard face aux États-Unis et à la Chine, l’UE est confrontée à un « défi existentiel » et pourrait connaître « une longue agonie » si elle ne réagit pas. Invité aux Rencontres de Rimini ce vendredi, l’Italien persiste et signe : « l’illusion que le marché de 450 millions de consommateurs confère à l’Europe un pouvoir géopolitique s’est dissipée », estime-t-il.
« L’organisation politique historique de l’Europe a été efficace pour ouvrir les marchés et limiter l’État, mais les enjeux actuels exigent une transformation profonde. » – Mario Draghi, ancien président de la BCE.
Les exemples de déclassement de l’aura européenne abondent : des droits de douane américains aux pressions des mêmes États-Unis pour augmenter les dépenses militaires, du mépris chinois à la dépendance aux terres rares asiatiques, en passant par le rôle limité de l’UE dans le conflit ukrainien et au Proche-Orient.
Pour Draghi, l’Europe doit adapter son organisation politique, née après la Seconde Guerre mondiale pour garantir paix et souveraineté. Elle a été efficace pour ouvrir les marchés et limiter l’État, mais les enjeux actuels, technologiques et stratégiques, exigent une transformation profonde. Selon le rapport Draghi, les barrières internes du marché européen freinent la productivité et pourraient coûter jusqu’à 7 % de croissance à l’UE sur sept ans.
« Une dépendance excessive (pour) la souveraineté de notre avenir »
L’Italien plaide pour des investissements massifs et coordonnés, citant la nécessité de mobiliser 1 200 milliards d’euros par an dans les secteurs stratégiques et de renforcer l’intégration économique et industrielle du continent. Il avertit que toute dépendance excessive aux technologies et ressources étrangères compromet la souveraineté européenne.
« Le monde ne nous regarde pas avec sympathie », insiste Draghi. Pour changer la trajectoire du continent, les dirigeants européens doivent agir ensemble, sans attendre la crise, comme ils l’ont fait face au Covid ou pour soutenir l’Ukraine. L’heure est à la discontinuité dans les objectifs et les modes de travail : il faut réinventer l’Europe avant qu’il ne soit trop tard.
La rédaction, avec Maxence Dozin
(Photo : Ph@_giorgio_salvatori/IPA via ZUMA Press)
