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Plainte contre RTL : Peut-on encore débattre dans ce pays ? (édito)

par Nicolas de Pape

Les plaintes déposées auprès du CSA contre l’émission de RTL consacrée à la fraude sont le dernier symptôme d’un mal bien belge : la peur du débat.

Depuis quelques jours, certains bruissent d’indignation. Une émission de RTL a osé aborder un sujet sensible : la fraude, sous toutes ses formes. Aussitôt, des associations, des militants et quelques figures politiques se sont empressés de saisir le CSA, accusant le programme de « stigmatiser » ou de « déraper ». Comme si parler de la réalité, c’était déjà franchir une ligne rouge.

Mais où va-t-on, si chaque discussion sur un problème concret de notre société devient une affaire d’État ? Faut-il désormais demander l’autorisation des gardiens du politiquement correct pour poser des questions, pour enquêter, pour débattre ? A chaque sujet qu’on appelle clivant mais dont les Belges font une priorité que cela soit l’immigration, la fraude sociale, l’insécurité, la mobilité, les gares de Mons ou le musée Kanal, les mutuelles, les syndicats, le chômage, les exemples sont légions, certains crient au scandale.

Le rôle d’un média, c’est précisément de mettre le doigt là où ça dérange. De briser les tabous, d’écouter les témoignages, de confronter les points de vue. Si certains préfèrent vivre dans le confort des idées toutes faites, libre à eux – mais qu’ils n’imposent pas leur frilosité au reste du pays. RTL a fait un carton d’audience, le débat a été mis au centre du jeu politique, les médias flamands se sont emparés de la thématique, bref l’émission a fait le job. Pendant ce temps-là, des médias qui, soit ne vivent que de subsides soit, qui serait fermés sans subsides depuis longtemps se permettent de donner des leçons alors qu’il ne traite pas ou qu’il n’ose même plus traiter ce genre de sujet sinon au travers du spectre de la bienpensance la plus extrême.

Les plaintes au CSA traduisent une dérive inquiétante : celle d’une société où la liberté d’expression est rognée non pas par la censure d’État, mais par la pression sociale et morale. C’est le règne du « on ne peut plus rien dire », version institutionnalisée. Or, débattre d’un sujet de société – qu’il s’agisse de la fraude, de la sécurité, de l’immigration ou du coût des aides sociales -, ce n’est pas condamner, c’est chercher à comprendre.

Les Belges ne sont pas des enfants qu’il faudrait protéger de la réalité ou « éduquer » comme une journaliste de la RTBF l’encore signalé à l’antenne il y a quelques jours seulement. Ils savent faire la part des choses, écouter, réfléchir.

Ce que le public attend des médias, ce n’est pas un discours aseptisé, mais de la vérité et du courage. Alors oui, qu’on laisse les journalistes faire leur travail. Qu’on laisse les citoyens débattre. Et que le CSA, au lieu de jouer les arbitres moraux, se rappelle qu’en démocratie, le débat n’est pas un danger : c’est une nécessité.

Nicolas de Pape

(BELGA PHOTO VIRGINIE LEFOUR)

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