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Pour la troisième fois Edouard Philippe demande à Macron de partir

par H. DB
©Thomas Padilla/MAXPPP

Mardi 21 octobre, invité du forum « World in Progress » à Barcelone, l’ancien Premier ministre Eduard Philippe a enfoncé le clou : Emmanuel Macron doit quitter l’Élysée avant la fin de son mandat. « Aucune autre solution crédible », a-t-il martelé, estimant que le président, « à l’origine de la crise », devrait « organiser les conditions d’un départ anticipé ». Il a reconnu qu’il s’agissait d’« une longue périphrase pour ne pas dire : démission ».

Candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2027, le maire du Havre récuse tout scénario de dissolution, qu’il juge porteur de chaos. Une nouvelle dissolution conduirait, selon lui, à « un système politique encore moins gouvernable », dominé par « un gros bloc d’extrême droite, un gros bloc d’une gauche très radicale et un tout petit bloc central ». Ce serait, avertit-il, « la crise institutionnelle grave et violente », semblable au « désastre » provoqué par la dissolution de juin 2024, après les élections européennes.

Une « décision digne » plutôt qu’un effondrement

Sur France 2, le 16 octobre, Édouard Philippe avait déjà insisté sur la nécessité d’un départ « ordonné », présenté comme « la seule décision digne qui permet d’éviter dix-huit mois d’indétermination et de crise ». Une posture qu’il avait amorcée dès le 7 octobre sur RTL : « L’État n’est plus tenu », déclarait-il alors, en appelant Emmanuel Macron à « annoncer qu’il organise une présidentielle anticipée et qu’il part immédiatement après l’adoption du budget ». L’ancien Premier ministre justifiait ce calendrier par le souci d’éviter une « démission immédiate et brutale » qui aurait, selon lui, « un impact terrible ».

Trois prises de parole en deux semaines : sur RTL, sur France 2, puis à Barcelone. Pour la première fois, un responsable du « bloc central » appelle ouvertement le président à se retirer avant 2027.

Une rupture assumée avec le macronisme

Ce crescendo verbal consacre un divorce consommé avec la macronie. « Je ne dois rien au chef de l’État », confiait Édouard Philippe à La Croix. L’ancien proche du président revendique aujourd’hui son indépendance : « Il est venu me chercher, je ne me suis pas roulé par terre pour qu’il me nomme », a-t-il glissé sur France 2, rappelant qu’il avait créé son parti, Horizons, « contre l’avis du président », et mené campagne en 2022 « tout en disant ce qu’il pensait ». Un proche souligne qu’« à Matignon, il avait une obligation d’alignement complet, mais le président lui a rendu sa liberté en 2020 ».

Le Point décrit ainsi un homme qui « rong[e]ait son frein depuis cinq longues années » : parti de Matignon en 2020, il s’était effacé dans la discrétion du Havre, cultivant la rareté comme stratégie politique. Face à un président « obsédé par son image », il apparaissait comme « l’antithèse de Jupiter ». Cette retenue méthodique lui a longtemps profité, le plaçant en tête des sondages pour 2027. Désormais, « Ed le silencieux » a choisi de rompre le silence.

Une stratégie risquée

Cette offensive répétée vise à prendre ses distances et n’avoir plus partie liée à la situation de blocage politique. En se démarquant d’un chef de l’État impopulaire, Édouard Philippe cherche à préserver sa crédibilité de futur candidat, tout en séduisant un électorat de droite déçu du macronisme. Mais la manœuvre n’est pas sans risque. « Les Français n’aiment pas les traîtres », a répliqué la porte-parole du gouvernement Maud Bréjeon, tandis qu’un proche du président évoquait des propos « inélégants ».

Certains alliés du maire du Havre reconnaissent eux-mêmes que « le président ne partira probablement pas ». L’objectif serait donc moins de provoquer une démission effective que d’imprimer un récit politique : celui d’un homme d’État lucide, refusant de cautionner la paralysie.

Une séquence fondatrice pour 2027 ?

Dans son entourage, on se réjouit de voir la ligne clarifiée : « Nos militants ont été surpris, puis ils ont compris. » Horizons veut désormais être prêt « en cas de scrutin anticipé », avec un programme peaufiné et un ancrage local fort. À court terme, le maire du Havre joue une autre carte : les municipales de mars 2026, qu’il « ne peut pas se permettre de perdre ». Une victoire lui offrirait, selon un proche, « une légitimité démocratique fraîche » avant la course à l’Élysée.

En réclamant le départ anticipé d’Emmanuel Macron, Édouard Philippe engage un bras de fer inédit. Trois appels en quinze jours, une rhétorique mesurée mais ferme, et une conviction centrale : « Il n’y a que des mauvaises solutions, mais celle-ci est la moins indigne. » Une manière, peut-être, de transformer la rupture politique en tremplin présidentiel.

HdB

(©Thomas Padilla/MAXPPP)

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