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Pourquoi je ne fais pas grève (Carte blanche)

par Contribution Externe

Une carte blanche de Xavier Corman, entrepreneur dans la Fintech.

Je ne fais pas grève. Et, pour être honnête, la plupart des travailleurs que je connais ne s’y intéressent pas. Ils voient cette grève pour ce qu’elle est devenue : une action menée par ceux qui défendent avant tout les avantages d’un système qui les protège, eux, beaucoup plus qu’il ne protège les autres.
Un système où certains prélèvent plus qu’ils ne contribuent, et où ceux qui créent réellement de la valeur se retrouvent en bout de chaîne, à payer la facture.

Dans mon entreprise, personne ne se reconnaît dans cette grève. Mes collaborateurs y voient une mobilisation pour les privilégiés du modèle actuel, pas pour eux. Ils font partie d’une jeune génération lucide, consciente que c’est elle qui devra absorber les dettes accumulées depuis des décennies. Une génération qui sait qu’elle devra produire plus dans un pays qui, lui, investit moins, réforme moins et dépense plus. Ce n’est pas l’avenir qui les inquiète, c’est le refus collectif d’y faire face.

« Ceux qui font tourner l’économie ne demandent pas de privilèges. Ils demandent simplement qu’on arrête de leur couper les ailes au moment où ils essaient de faire décoller quelque chose. »

On dit souvent que les employeurs ne comprennent pas les travailleurs. C’est faux. Nous sommes les premiers témoins de leurs difficultés. Mais personne ne parle d’un autre phénomène qui, lui, ne fait jamais la une : la grève silencieuse des chefs d’entreprise.

Pas une grève visible, avec des piquets. Une grève à la Ayn Rand, en beaucoup plus discrète. Une grève faite d’arbitrages et de renoncements : investir moins, embaucher moins, repousser un projet, abandonner une idée… Parce que chaque prise de risque est sanctionnée, parce que la réussite est ostracisée, fiscalement punie, administrativement découragée.

Ce pays ne manque pas de talents, mais d’envie. Pas du côté des travailleurs ou des entrepreneurs, mais du côté d’un système qui décourage tout ce qui dépasse. Ceux qui font tourner l’économie ne demandent pas de privilèges. Ils demandent simplement qu’on arrête de leur couper les ailes au moment où ils essaient de faire décoller quelque chose.

Voilà pourquoi je ne fais pas grève.  Parce que cette grève ne parle pas de justice sociale. Elle parle de maintien de rente. Parce que ceux qui travaillent, innovent, investissent et prennent des risques n’y voient aucune réponse à leurs problèmes. Parce qu’elle ne protège pas les travailleurs d’aujourd’hui, et qu’elle condamne ceux de demain à payer encore un peu plus.

Ce dont ce pays a besoin, ce n’est pas de trois jours d’arrêt. C’est d’un changement de trajectoire. Et tant que ce débat là n’aura pas lieu, les grèves continueront de tourner à vide, pendant que l’économie, elle, s’essouffle.

Xavier Corman, entrepreneur dans la Fintech

(Photo : Imagebroker)

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