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Théo Francken refuse de chanter l’hymne national : faut-il vraiment s’en étonner ? (Contribution externe)

par Contribution Externe

Par Mathieu Michel, député fédéral, ancien secrétaire d’Etat

Théo Francken, Ministre belge de la Défense, a refusé de chanter l’hymne national. Il a aussi refusé de dire ces trois mots simples qui, dans un autre pays, seraient considérés comme une évidence pour un membre du gouvernement : « Vive la Belgique ».

Le geste choque. Il interpelle. Il heurte. Et pourtant… en quoi est-ce vraiment surprenant ?

Chez les membres de son parti, la N-VA, le « V » de Vlaanderen a toujours porté plus de poids symbolique que le « B » de Belgique. Certains estiment que l’intérêt de la Flandre prime sur celui du pays, peu importe ce que devient ce dernier. D’autres considèrent que la Belgique n’a de valeur que si elle sert prioritairement les intérêts flamands. Et il y a ceux, enfin, qui acceptent encore l’idée belge… à condition que la Flandre n’en soit jamais pénalisée.

Dans ces trois cas de figure, on ne parle plus de loyauté à l’égard d’un projet commun, mais bien de nationalisme. D’un repli géopolitique égocentré sur un territoire qui, parce qu’il dispose d’une identité forte, suscite un sentiment d’appartenance plus immédiat, plus viscéral. Ce nationalisme-là part du postulat que la Flandre serait plus forte sans la Belgique. Une conviction qui défie pourtant l’un des enseignements majeurs de la géopolitique mondiale : dans un monde interdépendant, la taille, la coopération et la solidarité comptent. Seul, on est peut-être plus pur. Ensemble, on est plus forts.

Personne ne peut faire semblant de découvrir la position politique de Théo Francken. Elle est connue, assumée, constante. Mais la manière dont il choisit aujourd’hui de nous la rappeler semble soudainement indigner. Comme si tout le monde avait préféré oublier. Comme si une sorte de syndrome d’amnésie collective nous avait plongés dans l’illusion qu’un nationaliste flamand, devenu ministre fédéral, allait se fondre dans le moule sans bruit.

Ce geste, brutal dans sa symbolique, nous confronte à notre propre ignorance. Oui, Francken est nationaliste. Oui, il est ministre. Et oui, il est même, dans les faits, un ministre compétent : travailleur, rigoureux, déterminé… et d’une parfaite cohérence avec ses convictions.

Peut-on lui reprocher d’être fidèle à lui-même ? Sans doute pas. Peut-on lui reprocher la manière théâtrale dont il l’exprime ? Peut-être. Peut-on être en profond désaccord avec ce qu’il incarne ? Assurément.

Mais alors, pourquoi est-il ministre ? La réponse est simple : parce qu’en démocratie, le pluralisme prime. Parce que la Belgique est ce pays où cohabitent des convictions parfois irréconciliables. Parce que le pouvoir n’est jamais qu’un miroir des rapports de force issus des urnes. Et parce qu’on ne gouverne pas avec des fantasmes d’unité, mais avec la réalité politique d’un pays divisé.

En refusant de chanter l’hymne, Théo Francken nous rappelle une vérité dérangeante : il est l’expression d’une part bien réelle de la société belge. Il incarne une vision qui existe, qui s’affirme, qui progresse parfois. Il ne fait que refléter une fracture plus profonde que nous n’osons regarder en face.

Nous pouvons le juger. Mais il serait plus utile de nous interroger.

D’où vient ce besoin de certains de s’émanciper d’un pays qu’ils perçoivent non comme un moteur, mais comme un frein ? Qu’a-t-on cassé – ou jamais construit – pour que tant de citoyens ne se sentent pas chez eux dans leur propre État ? Peut-être faut-il se souvenir que la Belgique est née d’une nécessité géostratégique, davantage que d’un élan populaire. Une zone tampon entre puissances, devenue nation par la force du temps… mais jamais vraiment par le cœur.

Alors oui, ce geste est un choc. Mais au-delà de l’émotion, il nous appartient de nous questionner : que faire de cette Belgique que certains refusent d’aimer ? Comment reconstruire un sentiment d’unité qui n’a peut-être jamais existé pleinement ?

Le monde ne change pas par l’indignation seule. Il change par la compréhension, le dialogue, et la volonté de réparer.

Je ne blâme pas Théo Francken pour ce qu’il est. Mais je nous blâme, collectivement, pour ce que nous n’arrivons pas à être.

(BELGA PHOTO POOL NICOLAS MAETERLINCK)

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