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Von der Leyen veut profiter des avoirs russes gelés, la Belgique moins convaincue

par Harrison du Bus

La présidente de la Commission européenne veut mobiliser les avoirs russes gelés en Europe pour financer un prêt de 140 milliards d’euros à l’Ukraine. La Belgique, siège du dépositaire Euroclear où se trouvent la plupart de ces fonds, redoute d’en payer seule le prix en cas de représailles du Kremlin.

Dans un discours prononcé ce jeudi devant le Parlement européen à Bruxelles, Ursula von der Leyen a relancé l’un des dossiers les plus sensibles du moment, l’utilisation des avoirs russes immobilisés dans l’Union européenne. Selon la présidente de la Commission, ces fonds constituent le moyen le plus efficace de soutenir la défense et l’économie de l’Ukraine pour les deux prochaines années. L’idée, désormais baptisée prêt de réparation, consiste à prêter 140 milliards d’euros à Kiev, somme à ensuite rembourser si la Russie s’acquitte un jour des réparations de guerre.

Ces 140 milliards seraient garantis par les avoirs de la Banque centrale russe, gelés depuis l’invasion de 2022. L’essentiel de ces fonds — environ 210 milliards d’euros — est hébergé par Euroclear, le géant du dépôt de titres basé à Bruxelles. « C’est la manière la plus claire de faire comprendre à Moscou que le temps ne joue pas en sa faveur », a plaidé Mme von der Leyen, promettant un engagement « aussi long que nécessaire ». Pour la Commission, l’utilisation de ces avoirs permettrait d’éviter d’emprunter à nouveau sur les marchés, une option rejetée par plusieurs capitales, dont Paris et Berlin.

Une Belgique réservée

Mais la présidente de la Commission se heurte à une opposition ferme du gouvernement belge. Le Premier ministre Bart De Wever exige des garanties juridiques maximales et une clause de solidarité intégrale entre États membres avant de donner son feu vert. Bruxelles redoute d’être la cible privilégiée d’éventuelles représailles russes, puisqu’Euroclear concentre la quasi-totalité des fonds.

« Si cela tourne mal, je ne serai pas en mesure — et certainement pas disposé — à payer 140 milliards d’euros en une semaine », a averti De Wever, cité par Euronews. La Belgique rappelle également qu’elle est liée à la Russie par un ancien traité bilatéral d’investissement, remontant à l’ère soviétique, qui pourrait offrir un fondement juridique à des plaintes ou à des confiscations réciproques.

La Commission européenne, consciente du risque, tente depuis plusieurs semaines d’apaiser ces craintes. Elle prépare une proposition de compromis attendue avant le 18 décembre, incluant les conditions posées par la Belgique — notamment la mutualisation des risques et une solidarité financière explicite de tous les États membres. L’objectif est de trouver un accord politique lors du sommet européen des 18 et 19 décembre.

Un pari risqué pour Bruxelles

Derrière les chiffres, c’est toute une question de droit international et de crédibilité financière qui se joue. L’utilisation d’avoirs souverains gelés soulève d’importantes incertitudes juridiques ; plusieurs juristes estiment qu’une telle opération risquerait de créer un précédent en matière de respect des biens d’État étrangers.
La Belgique, en tant que place financière et hôte d’Euroclear, serait, la première, exposée à d’éventuelles rétorsions — économiques, diplomatiques ou cybernétiques — du Kremlin. Elle craint aussi de voir son statut de centre de compensation affaibli si les acteurs internationaux jugent que les fonds qu’ils y déposent peuvent être saisis pour des motifs politiques.

Pour autant, l’urgence du financement ukrainien rend la question pressante. L’arrêt de l’aide américaine décidé par Donald Trump place l’essentiel de l’effort sur les épaules européennes. L’Ukraine aura besoin d’un nouveau soutien financier dès le deuxième trimestre 2026. Ursula von der Leyen continue de défendre son plan comme une démonstration de résilience européenne : « Nous voulons tous que cette guerre prenne fin. Mais une paix durable repose sur une Ukraine forte et indépendante. Poutine croit toujours qu’il peut nous survivre. C’est une erreur de calcul manifeste », a-t-elle déclaré.

Harrison du Bus

(Photo by SAVO PRELEVIC / AFP)

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