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Ce que l’Europe peut attendre des négociations commerciales avec les États-Unis (Carte blanche)

par Contribution Externe

Les droits de douane « Liberation Day » annoncés par le président américain Donald Trump le 2 avril ont pris de court l’Union européenne, premier partenaire commercial des États-Unis, tout comme ils ont surpris les marchés. Certes, le président américain s’est décrit lui-même comme un « homme de droits de douane » et il a toujours défendu cette pratique depuis les années 1980, mais le précédent de son premier mandat, qui s’est traduit par une approche relativement pragmatique en la matière, semblait avoir convaincu beaucoup de gens qu’au final, il était toujours prompt à conclure un accord plutôt qu’à s’arcbouter sur des principes.

En effet, après les turbulences qui ont suivi le « jour de la libération », le président a déjà fait preuve d’une certaine souplesse en suspendant les droits de douane pour la plupart de ses partenaires commerciaux pendant 90 jours, tout en accordant des allègements à certaines entreprises fortement dépendantes de la Chine, comme Apple, en exemptant les produits électroniques du droit de douane de 125 % sur les importations en provenance de Pékin.

Les partenaires commerciaux élaborent actuellement des stratégies pour obtenir des allègements. Le Royaume-Uni a déjà réussi à le faire, ce qui n’aurait pas été possible sans le Brexit, car les Britanniques n’auraient pas pu mener leur propre politique commerciale. Toutefois, un accord avec l’UE est toujours en suspens. Un signe positif est que l’administration Trump envoyé une lettre indiquant qu’elle était disposée à négocier. Cette lettre fait suite à l’annonce par la Commission européenne d’une liste de concessions possibles, notamment l’assouplissement de certaines réglementations et une proposition visant à freiner conjointement la surproduction chinoise.

Une réplique de l’UE

Au début du mois, la Commission européenne a également présenté une liste de droits d’importations potentielles à taxer en provenance des États-Unis d’une valeur de près de 100 milliards d’euros. Les produits américains concernés comprennent les avions, les véhicules pour particuliers, les équipements médicaux, les produits chimiques et les plastiques, ainsi qu’une large gamme de produits agricoles. Le bourbon et d’autres spiritueux figurent également sur la liste, malgré l’opposition de pays viticoles tels que la France et l’Italie, qui craignent des mesures de rétorsion.

Une autre option encore à l’étude consiste en une offensive fiscale contre les géants américains de la technologie, qui revient à instrumentaliser la politique de concurrence de la Commission européenne à des fins de guerre commerciale, sans le dire ouvertement. La France y est favorable, mais l’Allemagne s’y oppose actuellement. Une procédure devant l’Organisation mondiale du commerce est également envisagée, bien que l’OMC n’ait aucun moyen de contraindre Trump à changer de cap. Pour l’instant, toutefois, l’UE ne menace que de mesures de rétorsion dans le domaine des biens et non des services, tels que la « tech » ou Wall Street.

De plus, les États membres de l’UE exhortent désormais la Commission européenne à s’abstenir de toute mesure de rétorsion contre les droits de douane de Donald Trump jusqu’après le sommet de l’OTAN en juin, car ils considèrent qu’un accord avec le président américain sur la sécurité à moyen terme de l’Europe est une priorité.

Un sentiment qui évolue

Ce que l’UE ne pourra probablement pas éviter, c’est une discussion approfondie sur les barrières dites non tarifaires. C’est un sujet qui irrite depuis longtemps les Américains, même si les États-Unis eux-mêmes disposent de nombreuses barrières de ce type.

Ainsi, l’USTR, l’agence commerciale américaine, souhaite que l’UE supprime sa propre réglementation sur la déforestation. Elle fait valoir que cette nouvelle loi européenne, qui impose de nouvelles obligations bureaucratiques sur les importations de produits tels que le bétail, le cacao, l’huile de palme et le caoutchouc, coûtera 8,6 milliards de dollars par an aux exportations agricoles et industrielles américaines.

Ce type de législation illustre bien la manière dont l’UE tente d’imposer des choix réglementaires à ses partenaires commerciaux, compromettant ainsi de bonnes relations commerciales. Ce sont d’abord les exportateurs d’huile de palme d’Asie du Sud-Est, la Malaisie et l’Indonésie, qui se sont plaints de cette situation. Ces pays jugent particulièrement injuste que, malgré les éloges des ONG pour avoir réduit de manière significative la déforestation, l’UE continue de refuser de reconnaître l’équivalence de leurs normes. Et ce, alors que la dernière version de la norme malaisienne de lutte contre la déforestation, la MSPO, est encore plus stricte que la norme européenne.

Après que le Brésil et les États-Unis – alors encore présidés par Joe Biden – se sont également plaints, l’UE a été contrainte de reporter d’un an l’entrée en vigueur de la législation. Aujourd’hui, Donald Trump demande simplement la suppression de ces barrières non tarifaires qui faussent les échanges commerciaux.

Les politiciens européens de gauche ne sont pas particulièrement enthousiastes à l’idée d’abolir ce type de législation, mais leur influence a été considérablement réduite par les électeurs européens lors des élections du Parlement européen de l’année dernière, comme le montre la coopération accrue entre les forces populistes de centre-droit et de droite au sein de cette institution. La Commission européenne est également ouverte à la discussion sur la suppression des barrières non tarifaires. Le nouveau chancelier allemand Friedrich Merz préconise également la suppression de la nouvelle législation européenne sur la « diligence raisonnable », qui oblige les entreprises à vérifier toutes sortes de règles de durabilité tout au long de leur chaîne d’approvisionnement. Cette législation est également une source de discorde pour de nombreux partenaires commerciaux. Pour M. Merz, le report accordé précédemment ne va pas assez loin. Pas de doute possible ; les temps changent.

Pieter Cleppe, Rédacteur en chef de Brussels Report

(Photo Mathieu Thomasset / Hans Lucas)

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