Ancien commissaire général aux réfugiés et apatrides, professeur de droit international et ex-président de la Cour constitutionnelle, Marc Bossuyt dénonce depuis longtemps les dérives de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, en particulier dans les affaires liées à l’asile et à l’expulsion des étrangers.
Marc Bossuyt est surtout connu comme ancien commissaire aux réfugiés auprès du gouvernement fédéral belge. Docteur en droit de l’UGent et en sciences politiques de l’Université de Genève, il est spécialiste du droit international et des droits humains. En plus d’une brillante carrière aux Nations unies, il fut commissaire général aux réfugiés et apatrides de 1987 à 1997, puis juge (à partir de 1997) et président (2007–2014) de la Cour constitutionnelle. Il a longtemps enseigné à l’Université d’Anvers. Aujourd’hui à la retraite, il continue de donner quelques heures de cours par an sur le droit international des Nations unies, notamment au prestigieux Centre européen de recherches internationales et stratégiques (Ceris), qui forme en particulier des diplomates étrangers.
Connu pour son calme et la clarté de ses prises de position, Bossuyt critique régulièrement, mais de manière argumentée, les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) de Strasbourg en matière d’immigration. Il a récemment réagi à une lettre ouverte de 15 universitaires critiquant celle envoyée par Bart De Wever et huit autres chefs de gouvernement européens, dénonçant les entraves de la CEDH à l’expulsion des étrangers condamnés. Entretien.
Marc Bossuyt : J’ai regardé le débat sur cette lettre au Parlement. Les francophones ont fait feu de tout bois, les Flamands n’ont rien dit. Seul le Premier ministre De Wever a réagi.
21News : Que retenez-vous de cette lettre ?
M.B. : Je critique depuis longtemps la jurisprudence de la CEDH. C’est lié à mon expérience comme commissaire général aux réfugiés. Plus une cour est élevée, plus elle est éloignée du terrain. Il y a quinze ans déjà, j’écrivais « Des juges sur un terrain glissant » pour le dénoncer. On me disait alors : « Tu te plains, mais les gouvernements n’y voient pas de problème. » En réalité, ils s’en inquiétaient, mais n’osaient pas le dire publiquement. Réagir après une énième défaite à Strasbourg est difficile.
La réaction typique consiste à dire qu’il faut respecter la séparation des pouvoirs. Ce tabou a longtemps empêché la critique. Aujourd’hui, cela change. Dès 2012, David Cameron disait que l’État britannique ne pouvait ni juger, ni retenir, ni expulser un terroriste. Aujourd’hui, neuf pays de l’UE s’expriment, et probablement beaucoup plus pensent la même chose. Et la réaction ? « Comment osent-ils ! »
Mais soyons honnêtes : les juges aussi peuvent transgresser la séparation des pouvoirs. Quand on voit la manière dont les juges de Strasbourg interprètent la Convention pour agir comme des législateurs, cela mérite d’être dénoncé.
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