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Sommet de l’OTAN à La Haye : triple erreur et triple idiotie (Opinion)

par Pascal Lefevre

En répondant aux exigences de Donald Trump au sommet de La Haye, les dirigeants des pays membres de l’OTAN ont commis une triple erreur. Une opinion de Pascal Lefèvre, chroniqueur indépendant.

Le 32e sommet de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) qui vient de s’achever à La Haye, aux Pays-Bas, se conclut par une triple erreur et une triple idiotie.

Selon la déclaration publiée par les chefs d’État et de gouvernement le 25 juin, « face à des menaces et défis de sécurité majeurs, en particulier face à la menace que la Russie fait peser pour le long terme sur la sécurité euro-atlantique et à la menace persistante que constitue le terrorisme, les Alliés vont, pour 2035, porter à 5% la part du PIB consacrée chaque année au financement des besoins ayant trait à la défense proprement dite et aux dépenses liées à la défense et à la sécurité au sens large » (point 2). Nos dirigeants réaffirment par ailleurs leur « attachement à l’OTAN », ainsi que leur « engagement indéfectible en faveur de la défense collective, consacré par l’article 5 du traité de Washington, qui dispose qu’une attaque contre l’un des Alliés est considérée comme une attaque dirigée contre tous » (point 1).

Soyons clairs : jusqu’à l’avènement de Donald Trump à la présidence des États-Unis (premier et second mandats), et malgré l’heureux intermède que fut à cet égard pour les Européens la présidence de Joe Biden, l’OTAN a effectivement été, comme le rappelle la déclaration susmentionnée, « l’alliance la plus solide de tous les temps », fondée sur un lien transatlantique fort et la garantie sans faille du « parapluie américain ». Elle a notamment protégé, durant des décennies, l’Europe occidentale contre les velléités impérialistes de l’ex-URSS, permettant ainsi à la démocratie de se maintenir de ce côté-ci du « rideau fer ». Les Américains sont également venus à notre rescousse à deux reprises, lors des Première et Seconde Guerres mondiales. Cela ne s’oublie pas.

À plat ventre devant Trump

Mais les temps ont malheureusement changé avec l’émergence du « trumpisme » et l’idéologie d’extrême-droite qu’il génère ou cherche à promouvoir, y compris dans nos propres pays (Alternative für Deutschland (AfD) en Allemagne, VOX en Espagne, Reform UK au Royaume-Uni, etc.). Et le « trumpisme » ne se limite pas à la personne de Donald Trump : il constitue un courant politique plus large, susceptible de perdurer bien au-delà de la présidence de l’actuel occupant de la Maison-Blanche — par exemple, si le vice-président J.D. Vance, ou d’autres figures du mouvement MAGA, se présentaient et remportaient les élections de 2028 ou celles qui suivront.

La conclusion devrait être simple et évidente pour tout analyste un tant soit peu lucide et perspicace : on ne bâtit et on ne développe pas une stratégie militaire fiable sur de tels « sables mouvants », ni avec une telle « épée de Damoclès » au-dessus de la tête.

Et c’est précisément pour ce motif que les chefs d’État et de gouvernement ont commis trois erreurs à La Haye, en cédant aux pressions et exigences d’un Donald Trump triomphant — notamment en s’engageant à consacrer 5% de leur P.I.B. à la Défense.

Quel retour espéré contre ces 5% ?

Attention : l’augmentation des budgets militaires s’impose. C’est une évidence, entre autres au vu du comportement agressif et annexionniste de la Russie de Vladimir Poutine — l’« ami » du Président américain — en Ukraine, ainsi que de ses visées à peine voilées sur les pays baltes ou la Moldavie. La question demeure cependant de savoir jusqu’à quel niveau et surtout dans quel cadre ?

Il est ainsi difficile de concevoir que la fixation à 5% ne soit autre chose qu’un chiffre arbitrairement établi, visant essentiellement à flatter l’égo surdimensionné du Président des États-Unis. Première erreur, et première duperie.

La deuxième faute réside dans le fait que l’on aurait pu encore comprendre que les pays européens s’engagent à porter leurs contributions nationales à hauteur de 5% en échange d’un engagement ferme, clair et sans ambiguïté de l’administration américaine quant à l’application de l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord, qui constitue la pierre angulaire de la défense collective de l’OTAN en cas d’attaque armée. Or, il n’en est rien. Non seulement Donald Trump, dans ses interviews, continue de faire planer le doute sur les interprétations possibles de l’article 5, mais de surcroît, la déclaration diffusée à l’issue du sommet de La Haye ne fait que répéter des évidences, puisque le point 1 se contente de rappeler ce qui est déjà inscrit dans le texte : un engagement indéfectible en faveur de la défense collective, conformément au prescrit de l’article 5, stipulant « qu’une attaque contre l’un des Alliés est considérée comme une attaque dirigée contre tous ». Il est même incroyable qu’il faille encore le souligner !

Troisième incompréhension : on accroît les dépenses à 5%, sans obtenir grand-chose en retour et, « clou du spectacle », tout cela profite avant tout à l’industrie de l’armement américaine, principal bénéficiaire des commandes européennes.

On pourrait naturellement rétorquer aux arguments précédemment développés qu’il n’existe actuellement guère d’alternative, et cela est partiellement vrai. Toutefois, il nous semble qu’on ne gagne pas en crédibilité en s’aplatissant ou en couvrant de flagorneries le Président des États-Unis, comme le fait le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte. Au contraire, il s’agit d’agir concrètement et rapidement pour que la sécurité des Européens soit réellement préservée, tant pour les générations actuelles que futures. Cette action passe inévitablement par la prise en main de notre destin, l’affirmation de notre autonomie et indépendance — l’alliance avec les États-Unis devant toujours être privilégiée, mais seulement comme une « cerise sur le gâteau » — et la création d’une véritable Communauté européenne de la Défense, avec des armées intégrées, des achats groupés et un commandement unique.

Pascal Lefèvre, chroniqueur indépendant (les intertitres sont de la Rédaction)

(Photo : Christian HartmannIn / Avalon)

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