Depuis la publication, le 27 juin dernier, d’un post sur le réseau social X, Nadia Geerts est au centre d’une polémique qui prend des proportions invraisemblables ; et le fait qu’elle l’ait supprimé après quelques heures et explicitement regretté n’y change rien, car ses propos seraient ignominieux et incompatibles avec sa fonction de vice-présidente du CA de la RTBF, dès lors que, selon les signataires d’une carte blanche parue dans Le Soir du 11 juillet, ils « en disent long sur la manière dont Mme Geerts considère le calvaire du peuple palestinien ».
Les signataires condamnent également « la légèreté avec laquelle elle les a publiés, sans la moindre vérification préalable, de même que sa nonchalance dans sa justification ».
Parlons-en, de vérification. Car si en effet elle a elle-même admis, en publiant ce post le 27 juin, avoir publié une information insuffisamment vérifiée, la presse entière (y compris la RTBF) faisait état trois jours plus tard d’une frappe de Tsahal sur le café Al-Baqa – un café de Gaza décrit comme très fréquenté par la presse – ayant fait 24 victimes. Une vérification préalable aurait donc confirmé qu’à l’heure où elle publiait son post, en l’entourant par ailleurs de « toutes les précautions nécessaires », il y avait au moins un établissement ouvert à Gaza. Celui-ci était donc factuellement exact, contrairement à ce que tentent de faire accroire ceux qui l’accusent depuis publiquement de mensonge ou de fake news.
Quant au calvaire du peuple palestinien, nul ne songe à le nier, et Nadia Geerts souligne elle-même dans sa carte blanche du 1er juillet « l’état de grave précarité alimentaire dans laquelle sont la majorité des habitants de Gaza aujourd’hui ».
Pourquoi, dès lors, réclamer aujourd’hui qu’elle fasse un « pas de côté » ? Pour cet unique post maladroit, certes – comme elle l’a elle-même rapidement reconnu – mais qui n’enfreint aucune loi et ne comporte de surcroît rien de factuellement erroné ?
Ce qui est en jeu, c’est le pluralisme
Allons… Soyons sérieux : n’y a-t-il rien de plus inquiétant qu’une maladresse d’une administratrice, en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien en particulier, alors que le deux poids deux mesures de la couverture de ce conflit par la RTBF est régulièrement pointé du doigt ?
Ne serait-ce pas plutôt que Nadia Geerts représente, au sein du CA de la RTBF, un point de vue qui dérange ? Non pas parce qu’il serait anti-démocratique ou contraire à un quelconque de ses devoirs d’administratrice, mais parce qu’il rompt avec l’unanimisme qui a trop longtemps prévalu au sein de la RTBF, au profit d’un véritable pluralisme des idées. Celui, précisément, qui est recherché par l’application de la clé D’Hondt, qui préside à la répartition des sièges dans un organisme public tel que la RTBF.
Car oui, les souffrances du peuple palestinien en général, et des Gazaouis en particulier, sont épouvantables. Mais le désaccord sur les causes principales de celui-ci, dont le gouvernement israélien et le Hamas sont co-responsables, dans des proportions dont l’on peut légitimement débattre, est parfaitement légitime. Et il en va de même de la qualification exacte des crimes perpétrés par l’armée israélienne. Faire droit à ce désaccord participe donc du pluralisme de l’information, un pluralisme de l’information qu’il incombe précisément au service public de garantir.
Et c’est précisément pour cela que Nadia Geerts a toute sa place au sein du CA de la RTBF. Parce qu’elle incarne une autre sensibilité, parfaitement démocratique et représentative qui plus est de la volonté qui s’est exprimée dans les urnes en juin 2024.
Signataires : Kamel BENCHEIKH (Écrivain), Michel CLAISE (Magistrat honoraire), Georges DALLEMAGNE (Ancien député), Merry HERMANUS (Commissaire du gouvernement auprès de la RTBF de 1981 à 1987 et de 1988 à 1995), Joël KOTEK (Professeur émérite des Universités), Jean-Claude LAES (Professeur honoraire de l’ULB), Philippe LAMENSCH (Ancien journaliste et cinéaste), Jean QUATREMER (Journaliste, éditorialiste et essayiste français), Alain van den ABEELE (Journaliste-Écrivain).
(Photos : MC / Olivier-Guy Demoulin)