Alors que les préoccupations quotidiennes des citoyens belges s’accumulent – perte du pouvoir d’achat, crise du logement, insécurité croissante, problèmes de mobilité récurrents –, un étrange glissement semble s’opérer au sein de notre classe politique : l’importation d’un conflit étranger, à savoir celui de Gaza, dans l’espace parlementaire, au détriment des urgences nationales.
Le débat sur le conflit israélo-palestinien, en particulier, a récemment pris une place disproportionnée dans l’agenda politique. Entre résolutions symboliques, passes d’armes idéologiques et déclarations intempestives, une partie de nos élus semble plus préoccupée par ce qui se passe à Gaza qu’à Gand, à Rafah plutôt qu’à Rochefort, Bruxelles ou Charleroi. Cela ne signifie pas que la Belgique doit se détourner des enjeux internationaux ou fermer les yeux sur les drames humains. Mais la politique étrangère n’est pas censée devenir un outil de posture partisane, ni un écran de fumée pour éviter de traiter les problèmes bien réels des Belges.
Certains veulent même faire tomber le gouvernement pour forcer la reconnaissance de la Palestine comme État. Mais comment les Belges pourraient-ils juger une telle décision autrement qu’irresponsable ? Des conflits meurtriers majeurs existent au Yémen, au Soudan, au Congo : personne n’en parle, et évidemment, aucun gouvernement n’est jamais tombé dans le passé pour des questions internationales, pas même lors des divergences entre partenaires de coalition à propos de la guerre en Irak. Pourquoi, aujourd’hui, en plein bouleversement majeur de l’économie mondiale et européenne, prendrait-on le risque de paralyser le pays en provoquant une crise gouvernementale ?
Les urgences sont ailleurs
La prolongation du nucléaire, le contrôle de la dette, la baisse des impôts, la réforme du marché du travail, l’accès à une école de qualité, les immenses défis de l’Intelligence artificielle : voilà des urgences concrètes, palpables, sur lesquelles le gouvernement doit concentrer son énergie. Les citoyens attendent des réponses, pas des slogans. Ils demandent des solutions, pas des gesticulations autour de conflits qu’aucune résolution belge ne peut régler et sur lesquels notre gouvernement n’a aucune influence.
Le rôle d’un gouvernement n’est pas de rejouer au Parlement les luttes du Proche-Orient, mais d’assurer la cohésion nationale, de protéger ses citoyens et de garantir un avenir meilleur à tous. Importer des tensions étrangères sur notre sol, flatter les communautarismes, alimenter l’antisémitisme, c’est risquer de fracturer encore davantage une société déjà éprouvée par les crises. Et ce danger-là, lui, est bien belge.
Il est temps de recentrer les priorités. Le devoir des élus est ici, maintenant, auprès de celles et ceux qui les ont portés au pouvoir en juin 2024 avec un mandat clair : réformer le pays, et non le paralyser.
Nicolas de Pape
(Photo Belga : Jonas Roosens)