La piste d’un saut d’index, mesure phare envisagée par le Premier ministre Bart De Wever (N-VA) pour boucler son budget, semble avoir été mise de côté. Du moins provisoirement. Plusieurs sources au sein de la majorité Arizona confirment que la proposition d’une « indexsprong » générale ne figure plus dans la dernière note budgétaire soumise aux partenaires. Mais le climat tendu des négociations et l’absence d’accord global laissent planer une incertitude : la mesure pourrait revenir sur la table si les autres pistes ne suffisent pas.
Depuis une semaine, le gouvernement a repoussé l’échéance de l’accord budgétaire. Pourtant, malgré les réunions bilatérales menées par Bart De Wever avec chaque vice-Premier, aucun kern n’a encore été convoqué et aucun consensus ne se dessine sur la répartition des efforts. La majorité peine à trouver les 10 milliards d’euros d’économies demandés d’ici 2030.
Une mesure socialement explosive
Dans sa première note, le Premier ministre avait avancé quatre leviers : un saut d’index, une hausse de la TVA réduite, l’activation des malades de longue durée et une réduction de la norme de croissance en santé. Mais c’est bien le saut d’index qui a suscité le plus de résistance. À gauche, les socialistes ont rejeté fermement l’idée. À droite, le président du MR Georges-Louis Bouchez a déclaré qu’il n’y aurait « pas de saut d’index pour les travailleurs, ni aujourd’hui ni demain ».
Les libéraux eux-mêmes étaient divisés : certains y voyaient un gain de compétitivité pour les entreprises en freinant la hausse des salaires, comme lors du saut d’index de 2015 sous le gouvernement Michel. Mais tout dépendait de la formule retenue.
Deux versions, deux effets budgétaires
Selon plusieurs sources, deux modèles de saut d’index ont été testés. Le premier rapporterait environ 1 milliard d’euros. Le second, beaucoup plus radical, jusqu’à 3 milliards. Cet écart s’expliquerait par un mécanisme inspiré des années 1980, sous les gouvernements Martens-Gol : les entreprises continuent à payer l’indexation, mais celle-ci n’est pas versée aux travailleurs. L’État récupère alors le montant pour financer la Sécurité sociale.
Mais ce « saut d’index avec captation » ne plaît à personne. Il ne réduit pas les coûts salariaux pour les entreprises, pénalise les travailleurs, et reviendrait à financer une réforme fiscale annoncée comme une baisse de la pression sur le travail… en ponctionnant les salaires. « Politiquement impossible », estime l’économiste Philippe Defeyt.
Résultat : les deux scénarios auraient disparu des tableaux budgétaires. Officiellement. Car certains partenaires jurent qu’aucune option n’est totalement enterrée tant que le deal final n’est pas signé.
Des lignes rouges partout
Dans les faits, chaque parti a fixé ses limites.
- CD&V et MR refusent que les travailleurs et les pensions soient touchés.
- Vooruit s’oppose à une non-indexation des allocations.
- CD&V rappelle que les minima sociaux sont déjà sous le seuil de pauvreté.
- MR se dit ouvert à « moderniser l’index », mais pas à taxer davantage le panier de la ménagère.
De Wever avait évoqué durant la campagne l’idée de verser « l’index net », c’est-à-dire réduire les charges sur l’indexation pour limiter le coût pour les employeurs. Mais cette option ne serait plus discutée non plus.
La TVA, autre champ de bataille
L’autre grand levier, la réforme de la TVA, provoque des tensions similaires. La N-VA voulait fusionner les taux de 6 % et 12 % en un taux unique de 9 %, ce qui renchérirait les produits de base et les travaux de rénovation. CD&V plaide au contraire pour une baisse à 0 % sur les légumes et fruits. Les socialistes veulent taxer davantage les produits de luxe. Le MR rejette catégoriquement l’idée d’une « caddie plus cher », estimant que ce serait « offrir un bâton à l’opposition jusqu’aux élections ».
Personne ne veut complexifier davantage le système déjà illisible, mais aucun compromis n’émerge.
Blocage et frustration
Au sein de la coalition, l’impatience croît. Plusieurs partis dénoncent l’absence d’avancées et doutent du respect de la nouvelle échéance fixée à mardi prochain, date à laquelle Bart De Wever doit prononcer sa déclaration de politique générale reportée.
La méthode du Premier ministre – rencontrer chaque vice-Premier individuellement – agace aussi. Chacun ignore les concessions des autres, ce qui alimente la méfiance, voire les menaces. À gauche, on évoque déjà la possibilité de former une majorité alternative avec Open Vld.
Un signal, pas encore une décision
Officiellement, l’indexsprong générale est « provisoirement » abandonnée. Mais personne ne croit que la N-VA a définitivement renoncé à ce levier. Dans les coulisses, certains estiment que la mesure pourrait être ressortie en dernière minute, si les autres partis refusent des concessions sur la TVA ou la santé.
Autrement dit, la bataille de l’index n’est pas terminée. Mais pour l’instant le gouvernement tempotise; surtout quelques jours après la manifestation syndicale de ce mardi.
La Rédaction
(Photo by Romain Doucelin / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)