Poignée de main entre Abbas et Macron
Pour sa première visite à l’Élysée depuis la reconnaissance française de l’État de Palestine, Mahmoud Abbas a accordé au Figaro une interview d’une franchise rare. Il y annonce des réformes profondes, la promesse d’élections et surtout la mise à l’écart du Hamas de toute gouvernance future à Gaza. Entre réalisme diplomatique et pari politique, Paris et Ramallah affichent une convergence qui se veut décisive pour l’après-guerre.
Emmanuel Macron a reçu « le président de l’État de Palestine », nouvelle dénomination officielle depuis la reconnaissance française de septembre.
Mahmoud Abbas, 90 ans, y voit un « acte courageux » et une « manifestation de justice ». Dans son entretien au Figaro, il souligne que « ce qui a vraiment changé, c’est que l’État de Palestine est devenu une réalité politique reconnue ».
Sa visite vise à consolider cette voie : avancer vers une paix fondée sur la légitimité internationale, empêcher toute annexion et établir Jérusalem-Est comme capitale d’un État palestinien indépendant.
Le Hamas écarté du pouvoir
« Le Hamas ne gouvernera pas Gaza », déclare-t-il sans détour. « Il doit remettre toutes ses armes. Il n’y aura qu’une seule arme : celle de l’État palestinien. »
Le président palestinien envisage un comité administratif transitoire, formé « d’experts nationaux indépendants », chargé d’administrer la bande de Gaza avant la prochaine réunification institutionnelle avec la Cisjordanie.
Les forces de sécurité palestiniennes « sont prêtes », formées en Égypte et en Jordanie, et se coordonneront avec une future force internationale de stabilisation discutée au Conseil de sécurité. L’objectif est que Gaza devienne « une zone de paix et de sécurité sous la pleine souveraineté palestinienne ».
Cette ligne, reprise par Emmanuel Macron qui a qualifié le maintien du Hamas au pouvoir d’échec collectif et plaidé pour une démilitarisation effective du territoire.
Réformes promises et horizon électoral
Le chef de l’Autorité palestinienne, souvent critiqué pour son immobilisme, veut afficher sa volonté de changement.
Il affirme avoir abrogé les lois relatives aux allocations dites « politiques » et créé « un système unifié d’aide sociale » fondé sur des critères économiques. Il annonce aussi une réforme complète des programmes éducatifs, en coopération avec l’Union européenne, « alignée sur les normes de l’Unesco ».
Quant au calendrier politique, il promet des « élections générales, présidentielle et législatives » dans l’année suivant la fin de la guerre. Seuls les candidats adhérant « au principe d’un État, d’une loi et d’une arme légitime » pourront s’y présenter.
La RTBF relève que Macron a appuyé cette exigence en évoquant « des élections libres, transparentes et démocratiques dans tous les territoires palestiniens, y compris à Jérusalem-Est ».
Paris hausse le ton envers Israël
Le président français a profité de cette rencontre pour réaffirmer que toute annexion partielle ou totale de la Cisjordanie constituerait « une ligne rouge ». « Nous réagirons fortement avec nos partenaires européens », a-t-il averti, appelant Israël à transférer les revenus douaniers dus à la Palestine et à rétablir les correspondances bancaires interrompues.
Ce ton plus ferme souligne le repositionnement diplomatique de la France, qui cherche à maintenir vivante la perspective d’un État palestinien face au gouvernement de Netanyahou déterminé à la torpiller.
L’affaire de la rue des Rosiers, un geste judiciaire attendu
Autre annonce majeure : l’extradition du suspect palestinien Hicham Harb, soupçonné d’avoir organisé l’attentat antisémite de la rue des Rosiers en 1982. « Les procédures juridiques sont à leur phase finale ; il ne reste que quelques détails techniques », a-t-il confié au Figaro.
Cette décision, saluée à Paris, vise à prouver que la Palestine peut être un partenaire fiable en matière de justice et d’État de droit – une condition essentielle pour restaurer la crédibilité d’une Autorité palestinienne affaiblie.
Entre illusion diplomatique et pari politique
Comme l’analyse Radio France, la rencontre de Paris s’inscrit « dans la rivalité entre le plan Trump pour Gaza et l’initiative franco-saoudienne présentée à l’ONU ».
Les deux plans divergent : le premier ne prévoit ni État palestinien, ni lien entre Gaza et la Cisjordanie ; le second, soutenu par Paris, repose sur la légitimité de l’Autorité palestinienne.
Pour l’instant, la réalité du terrain reste désespérément éloignée : une moitié de Gaza sous contrôle du Hamas, l’autre sous occupation israélienne. L’« option franco-palestinienne », conclut Radio France, « s’offre en alternative, mais sans les moyens de s’imposer ».
Un souffle diplomatique fragile
Mahmoud Abbas est venu à Paris pour redonner à son autorité une stature qu’elle n’a plus. L’entretien au Figaro et la réception officielle à l’Élysée réaffirment le pari d’un État palestinien réformé, unifié, sans milices.
Mais le succès dépendra de paramètres qu’aucun des deux dirigeants ne maîtrise : la position américaine, la réaction d’Israël, la survie politique d’un Abbas vieillissant et la reconstruction d’un peuple épuisé.
Sous les ors de l’Élysée, la France et la Palestine ont promis la paix. Reste à savoir si cette paix a encore un terrain où s’enraciner.
Harrison du Bus
(Albertini / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)