Dix jours après sa diffusion, le reportage de RTL-TVI consacré aux chômeurs wallons continue d’alimenter le débat. Intitulé « Sans boulot : tous fraudeurs ? », le sujet – qui montrait des demandeurs d’emploi de Verviers évoquant sans détour l’usage du système – a provoqué un tollé côté francophone : plus d’une centaine de plaintes ont été déposées auprès du CSA, qui a ouvert une instruction. En Flandre, en revanche, l’émission est passée presque inaperçue. Une différence culturelle ? La Libre en a discuté avec Isolde Van den Eynde, éditorialiste au Het Laatste Nieuws.
Pour la journaliste flamande, l’ampleur de la réaction francophone est en soi révélatrice : « Le même reportage diffusé en Flandre n’aurait jamais généré autant de plaintes ! Je trouve cela très étrange. Est-ce une question de culture ? C’est possible. » Sans écarter les critiques sur la forme – « le titre n’est pas bon », « il manque du contexte dès le début » –, elle rappelle que « le journalisme, ce n’est pas une pièce académique : c’est montrer des choses ».
Selon elle, le sujet aurait d’ailleurs eu peu d’écho au nord du pays : « Cette idée que certains chômeurs wallons ne veulent pas se remettre au travail a percolé depuis longtemps en Flandre. Aucun média flamand n’aurait eu l’idée de réaliser un tel reportage aujourd’hui : cette réalité est déjà quelque part dans nos têtes. »
« La force du reportage, c’est qu’il est réalisé par un francophone »
L’un des ressorts de la polémique réside, selon Isolde Van den Eynde, dans l’identité même du journaliste : « La force du reportage, c’est qu’il a été réalisé par un francophone. S’il l’avait été par un Flamand, le débat aurait viré au communautaire. On aurait dit : “Encore ces Flamands qui cassent du sucre sur les chômeurs wallons.” Les politiques francophones se seraient alors abstenus de réagir. » Cette fois, ils ne pouvaient l’ignorer – même si, regrette-t-elle, « ce qui m’a choquée, ce n’est pas d’entendre des citoyens utiliser le système, mais d’entendre des responsables politiques dénoncer les méthodes du journaliste plutôt que de s’offusquer de l’échec de leurs politiques ».
En Flandre, même les partis de gauche ont adopté une position mesurée : « Vooruit ou Groen soutiennent aussi qu’il faut pousser les gens au travail », observe l’éditorialiste. Elle juge que le débat francophone n’a abordé que tardivement la question centrale : « la fraude sociale ». Et interroge : « Que vont-ils faire maintenant pour changer les choses ? C’est cette question qui devrait les occuper. »
Sans vouloir « stigmatiser » le sud du pays, Isolde Van den Eynde estime que maintenir la solidarité fédérale suppose « d’être plus sévère dans chacune des régions ». Une approche défendue de longue date par la N-VA, aujourd’hui premier parti en Flandre… et en Belgique.
La rédaction
(BELGA PHOTO VIRGINIE LEFOUR)