“Complément d’enquête” (France Télévision) comptait relayer jeudi soir dans un reportage scrutant son concurrent CNEWS l’enquête de Reporters sans frontières (RSF) accusant CNEWS de “rattrapages nocturnes” (la gauche relayée la nuit, l’extrême-droite le jour). Las : l’ARCOM a contesté les statistiques de RSF. Complément d’enquête a donc coupé en ugence cette séquence avant diffusion.
Rarement un documentaire aura subi une telle opération de dernière minute. Selon Le Parisien, jeudi 27/11 après-midi, quelques heures avant la diffusion de «Complément d’Enquête» consacré à CNews, France 2 a ordonné à ses équipes de retirer en urgence tout un segment portant sur les «rattrapages nocturnes» du temps de parole politique. En cause, une position officielle de l’Arcom contestant les conclusions de RSF publiée trop tard pour être intégrée correctement dans le reportage.
Enquête de RSF
Mercredi, RSF publiait une étude qu’il espérait explosive. Selon cette analyse portant sur le mois de mars 2025, l’extrême droite cumulerait 40,6 % de présence en journée sur CNews, contre 15,4 % pour la gauche. À l’inverse, entre minuit et 7 h, la gauche grimperait à 60,1 %, quand l’extrême droite tomberait à 1,6 %. L’ONG accusait la chaîne du groupe Bolloré de «contournement» des règles du pluralisme via des «rattrapages nocturnes» destinés à «rendre une copie propre à l’Arcom».
Jeudi, le régulateur et gendarme du pluralisme en France a coupé court à ces accusations. «Il n’y a pas de contournements des règles du pluralisme politique sur le mois de mars 2025 sur CNews», a assuré l’Arcom à l’AFP. «Nos résultats ne sont pas ceux de RSF. Nous n’avons pas de doute.» L’institution précise même observer une «surreprésentation» de la gauche, de jour comme de nuit et notamment LFI et le PS davantage présents sur la chaîne CNEWS que leur poids politique respectif.
Panique à France Télévisions
Cette prise de position est tombée en plein montage final de «Complément d’Enquête». La direction de France 2 a aussitôt demandé de retirer la séquence incriminée, quelques minutes d’analyse consacrées spécifiquement au mécanisme de compensation nocturne présenté par RSF.
La rédaction a communiqué dans la soirée: «Un élément nouveau et tardif est sorti dans la presse relatant la position de l’Arcom quant à l’étude de RSF. Étant dans l’impossibilité technique d’ajouter cet élément contradictoire aussi près de l’heure de diffusion, nous n’avons eu d’autre choix que de couper la séquence concernée. Notre priorité est toujours de respecter le contradictoire.»
Les téléspectateurs verront donc l’enquête, amputée, mais conserveront le reste du dossier consacré à la méthodologie et aux conclusions générales de RSF.
Une étude contestée mais maintenue par RSF
L’ONG affirme avoir analysé 700 000 bandeaux d’information de quatre chaînes (CNews, BFMTV, LCI, franceinfo) grâce à un outil automatisé de capture vidéo. Elle assure ce jeudi soir «maintenir tous ses chiffres et ses conclusions».
Dans l’étude, RSF détaille notamment que CNews, en mars 2025, a accordé une place centrale aux sujets liés à l’immigration, tandis que ses concurrentes insistaient davantage sur l’Ukraine et les affaires internationales. Ce qui démontre incidemment une sous-représentation de l’immigration auprès des concurrents de CNEWS.
Bras de fer durable en vue
En une journée, le rapport a déclenché un triple choc: contestation immédiate par l’Arcom, tensions internes à France Télévisions et maintien intransigeant de RSF. L’ONG a d’ailleurs annoncé son intention de saisir formellement le régulateur.
La polémique ne devrait donc pas s’éteindre de sitôt. France 2, elle, se retrouve dans une position délicate: devoir concilier impératifs éditoriaux, rigueur du contradictoire et pression temporelle… au moment même où l’émission scrute les pratiques des autres médias.
La rédaction
(Photo by Xose Bouzas / Hans Lucas via AFP)