Alors que les États-Unis ont engagé depuis septembre une opération militaire d’ampleur inédite dans les Caraïbes, Donald Trump fait du Venezuela la pièce centrale d’un dispositif mêlant lutte antidrogue, pression géopolitique, enjeux électoraux et confrontation idéologique. Mais derrière la rhétorique martiale, la réalité du narcotrafic est plus complexe que ne le prétend la Maison-Blanche. Et le rôle de Caracas, essentiel mais secondaire, ne correspond pas à l’image d’un État maître d’œuvre du fentanyl qui ravage l’Amérique du Nord.
Depuis l’arrivée de Nicolás Maduro au pouvoir en 2013, les relations entre Caracas et Washington se sont progressivement enlisées dans une spirale de sanctions, d’accusations de fraude électorale et de pressions politiques. Le régime chaviste, déjà fragilisé par l’effondrement de son économie pétrolière, a survécu grâce à une combinaison d’alliances extérieures (Russie, Iran, Chine) et d’un contrôle interne très strict, assuré par des factions militaires impliquées dans divers trafics et dans la gestion de secteurs entiers de l’économie informelle.
L’arrivée de Donald Trump au pouvoir avait immédiatement durci la posture américaine, mais la séquence ouverte cet automne marque un changement d’échelle. Le président a fait requalifier le Venezuela en « narco-terrorist state » et désigné Maduro comme chef du Cártel de los Soles, présenté comme un cartel structuré et centralisé. Les experts rappellent pourtant qu’il s’agit d’un ensemble diffus de groupes au sein des forces armées, impliqués dans des activités illicites mais loin d’être une organisation unifiée. La nuance importe peu politiquement : pour la Maison-Blanche, cette qualification crée le cadre juridique permettant d’envisager des frappes préventives et, dans le même mouvement, d’utiliser l’Alien Enemies Act de 1798 pour justifier des déportations de ressortissants vénézuéliens.
Le Venezuela devient ainsi un enjeu total pour Washington, c’est-à-dire un levier de politique intérieure, un dossier migratoire, un théâtre militaire potentiel et un symbole idéologique dans un contexte électoral où la Floride et son électorat d’origine cubaine ou vénézuélienne pèsent lourd.
Ce que montrent réellement les routes de la drogue
La communication présidentielle part de la prémisse simple que le Venezuela serait la source majeure de la drogue qui tue des dizaines de milliers d’Américains chaque année. Or, lorsque l’on examine précisément les flux étudiés par les agences américaines, canadiennes ou latino-américaines, le tableau est très différent.
La crise des opioïdes, celle qui génère les chiffres les plus élevés de mortalité, est d’abord liée au fentanyl. Cette substance, entièrement synthétique, n’est pas produite au Venezuela. Elle est fabriquée au Mexique, par les cartels de Sinaloa et de Jalisco Nouvelle Génération, qui importent leurs précurseurs chimiques de Chine et d’Inde. Ces produits entrent au Mexique par cargos, ports et vols commerciaux avant d’être transformés dans des super-laboratoires situés principalement sur la côte pacifique. La drogue traverse ensuite la frontière américaine à pied, en voiture ou dans des tunnels, parfois par voies postales, mais jamais via les routes caribéennes ou vénézuéliennes.
En d’autres termes, le Venezuela n’a aucun rôle dans l’épidémie de fentanyl qui ravage l’Amérique du Nord.
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