Poète et auteur franco-algérien, Kamel Bencheikh fait honneur à la comédienne belge Véronique Perrault en usant de mots qui n’appartiennent qu’à lui.
Il est des présences qui ne traversent pas le monde : elles le frôlent, le caressent, l’épousent d’un geste imperceptible. Véronique Perrault est de celles dont le passage transforme sans bruit.
Actrice belge au regard d’azur, metteuse en scène habitée par la tendresse du monde, elle ne cherche ni à briller ni à convaincre. Elle marche du côté des secrets, à l’écoute des frémissements oubliés, là où les âmes hésitent encore à se dire. Ses images, ses mots, ses silences ont le parfum des matins clairs et l’éclat discret des choses vraies.
Dans ses films, dans ses entretiens, il n’y a ni démonstration ni conquête. Il y a l’attente patiente, l’attention nue, l’accueil immense. Elle approche les êtres comme on s’approche d’une source, avec la soif d’entendre sans jamais forcer. Sous sa caméra, les cœurs battent plus librement, les voix retrouvent un souffle, les gestes reprennent leur juste mesure.
Véronique ne cueille pas des instants, elle laisse éclore des durées. Elle n’enferme pas les êtres dans des cadres, elle les accompagne au seuil d’eux-mêmes. Et quand elle s’efface derrière l’objectif, ce n’est pas absence, mais offrande : elle devient la surface où l’autre peut enfin peut enfin se reconnaître, se déployer, et parfois même s’émerveiller de ce qu’il est sans l’avoir jamais su.
Il y a chez elle une rareté d’enfance préservée, mais sans naïveté. Comme si elle avait traversé les ombres en gardant dans les paumes une lumière intacte. Elle porte chaque projet comme on porte un battement de cœur fragile, avec cette conviction silencieuse que l’humain se tient dans le tremblement plus que dans l’éclat.
Un jour viendra, peut-être déjà là, où son cinéma ne sera plus seulement une œuvre, mais un refuge. Un lieu d’accueil pour les âmes fatiguées, un rivage pour les mots égarés. Ce qu’elle construit, patiemment, c’est un art du lien, un chant d’humanité.
Elle nous apprend, à rebours du tumulte, que l’essentiel se tient dans l’attente, dans le frôlement, dans le presque rien. Que créer, c’est s’incliner devant ce qui veut naître. Et qu’aimer, au fond, c’est cela : veiller au bord du monde, prêt à recueillir ce qui tremble.
Quand nous entrerons un jour dans son univers, nous y reconnaîtrons cette beauté qui ne s’impose pas mais nous devance. Parce qu’au cœur de son œuvre, il n’y aura pas tout à voir — mais tout à recevoir.
Kamel Bencheikh, auteur franco-algérien