À Bruxelles, les mandats politiques fleurissent (comme des iris) et ne risquent pas de faner. L’idée d’un cadastre des mandats, qui remonte à plusieurs années, n’a jamais permis d’aller au fond des choses. Dame ! Tant que les partis y trouvent leur compte ! Une chronique acide de Merry Hermanus.
Le député De Beukelaer (Les Engagés) a eu l’excellente idée, il y a quelques années, de réaliser un cadastre des institutions et organismes d’intérêt public de toutes natures à Bruxelles. Il en a découvert pas moins de 670 constitués sous 20 formes juridiques différentes. Il a tenté d’en établir le coût pour les Bruxellois qui est, on s’en doute, faramineux et plaide pour une simplification et une coordination. C’est le bon sens même.
Cependant — et croyez-moi, c’est l’essentiel –, toutes ces institutions sont de fabuleuses mines à mandats.
Je me souviens de ma première participation à un collège scabinal. Nous avions négocié toute une nuit, les fonctions étaient réparties, puis un « spécialiste » déposa sur la table un document de 5 ou 6 pages. C’était la liste des mandats à répartir entre les partis. Véritable inventaire à la Prévert, cela va de fonctions d’administrateur à ce qui était à l’époque la distribution de l’eau, devenu Vivaqua, à Distrigaz, à la gestion d’une canalisation, en finissant par des postes de commissaires aux comptes à la société de crémation.
Jetons de présence et mandats additionnels
C’est fabuleux, chaque commune dispose dans ces instituions de représentants à des postes divers. Et là est le hic ! Certaines de ces fonctions bénéficient de jetons de présence confortables et d’autres sont bénévoles ! Je constatais tout de suite qu’il y avait ceux qui connaissaient les nuances, qui savaient ce qui était payé, et ce qui ne rapportait rien ! Une fameuse différence croyez-moi ! Le cumul de certains de ces mandats constituant souvent des lots de consolation pour celui ou celle qui n’est pas échevin ou – cas que j’ai bien connu –, d’épais matelas que se constitue un bourgmestre particulièrement vorace.
Voilà la vraie raison de l’existence de cette foultitude de bidules et de comité Théodule, comme les appelait de Gaulle. Bien sûr depuis des dizaines d’années, on aurait pu rationaliser, coordonner, simplifier. On ne l’a jamais fait parce que vous touchez-là aux sinécures, aux cerises, parfois très grosses, sur le gâteau que s’offrent les mandataires. Je comprends donc parfaitement le député De Beukelaer, il a cent fois raison, mais la petite classe politique qui vit grassement sur la bête mourante n’acceptera jamais que l’on touche à son avoine.
Un passif épinglé dans la presse US
Il y a deux ans, le New York Times avait publié un article, largement ignoré par la presse belge. Et pour cause, il dessinait de la Belgique, et de Bruxelles en particulier, l’image d’une république bananière.
Bruxelles est décrite comme le paradis des mandats politiques. On peut y lire : « Les services publics de Bruxelles sont fournis par près de 2.000 sous-traitants et organismes parapublics employant environ 14.000 personnes. Pour le public cela se traduit par une masse opaque où même un chat ne retrouverait pas ses petits. »
« Mais pour les initiés (les partis au pouvoir à Bruxelles), cela signifie un immense vivier d’emplois à distribuer (Intercommunales). Bruxelles est une excellente opportunité pour le clientélisme et l’enrichissement personnel. »
« En bref, la politique du désordre au pouvoir permet au clientélisme de se développer et de prospérer. »
On ne pouvait être plus clair ! Le député De Beukelaer fait la même constatation, mais son parti, comme les autres, lui permettra-t-il d’en tirer des conclusions ? Il me semble permis d’en douter !
ASBL florissantes et très subsidiées
À cela vous pouvez ajouter les subsides octroyés à différentes ASBL créées par les copains, que l’on finance comme au XIX e siècle certains « finançaient » une danseuse. Certaines de ces ASBL permettant ainsi à de véritables parasites sociaux de vivre et prospérer, vampires se nourrissant des impôts… de ceux qui, à Bruxelles, de moins en moins nombreux, en payent encore.
Dans la mesure où les fonctionnaires chargés de la tutelle sur les commune sont chaque fois court-circuités, il n’y a plus de vraie tutelle, tout se négocie et tous se tiennent par la barbichette… et Bruxelles s’enfonce jour après jour, prend l’allure d’une ville du tiers-monde, se mexicanise à toute vitesse… On se tire dessus parfois deux fois par jour… Mais on refuse d’unifier les polices ! Énorme mais vrai !
Mais, cochon de payeur, vous l’avez constaté : votre précompte immobilier a largement augmenté, les impôts communaux atteignant des records.
Rassurez-vous ce marasme n’empêche pas les politiques de dormir. Ils se sont offerts, il y a quelques mois, une petite augmentation. Et en cas de perte de leur mandat… une année entière de traitement ! Pas mal, non ?
Les impôts augmentent, comme le chômage. Les habitants ayant une activité économique quittent, comme les entreprises, Bruxelles. Les établissements ferment les uns après les autres, mais les ministres, qui comme Godot attendant trop longtemps leur successeur, sont partis en congé… Elle n’est pas belle la vie ?
Merry Hermanus
(Photo Belga Nicolas Maeterlinck : discours de la Fête de l’Iris, 6 mai 2023)