Dans cette guerre contre le Hamas qui s’éternise, Benjamin Netanyahu assure à son peuple qu’il voit enfin le bout du tunnel. Déloger ce qui reste des forces du Hamas – peu d’armes en réalité, des chefs sans réelle expérience et de jeunes recrues formées à la va-vite – lui paraît possible grâce à une offensive éclair.
C’est la promesse du Premier ministre israélien à une population excédée.
En Israël, peu partagent cet optimisme. Chef d’état-major, anciens des services de renseignement, universitaires et opposition parlementaire mettent en garde : l’armée est épuisée. Les otages, dissimulés dans un réseau de tunnels plus vaste encore qu’imaginé, risquent d’être exécutés dès que les fantassins approcheront. La prise de Gaza City pourrait durer six mois, au prix de centaines de soldats tués – la plupart effectuant trois années de service militaire obligatoire.
Avant l’assaut, les 700.000 habitants devront être déplacés vers le sud de l’enclave. Mais où les loger, sous un soleil de plomb ? Même avec un ordre d’évacuation, des civils mourront. Et Gaza City, jusqu’ici moins détruite que Rafah, pourrait bientôt ressembler aux paysages lunaires du sud.
Surtout, l’« après-Hamas » imaginé par Netanyahu laisse perplexe : invasion sans occupation ? Contrôle israélien avec une administration locale arabe ? Qui prendra en charge ce chaos ? Qui assurera la sécurité et la reconstruction – vingt ans de travaux – face à des bandes armées ? Un scénario à la somalienne se profile.
Mais les appels à la retenue de l’ONU et des capitales occidentales ne changent rien : les alternatives à l’éradication du Hamas ne sont pas légion. Israël pourrait consolider ses positions sur 75 % de la bande et garantir, via la Gaza Humanitarian Foundation, la totalité des besoins alimentaires. Cela va un peu dans le sens de ce que propose Emmanuel Macron. Ou attendre un accord de paix, souhaité par Washington, l’Europe, une grande partie de l’opinion israélienne et plusieurs voisins arabes. Mais combien de temps encore ?
Et si le Hamas, qui disposerait encore de 700 millions de dollars et qui détourne une partie de l’aide humanitaire, tenait des mois ?
Netanyahu, se drapant dans la toge des empereurs romains et la détermination de Churchill, tranche : il faut en finir maintenant. Donald Trump acquiesce.
Contre une partie de son état-major et de ses adversaires politiques, si « Bibi » parvient à effacer les fascislamistes du Hamas, alors que le Hezbollah est en voie de démilitarisation, et parvient à accélérer la lente déliquescence du régime iranien assoiffé au sens propre du terme, il ouvrirait la voie à une paix majeure au Moyen-Orient. Il garantirait à l’Occident qu’une puissance islamiste n’aura jamais le feu nucléaire et que les femmes iraniennes ne seraient plus condamnées à porter le voile. Il ne resterait « plus que » la création d’un État palestinien viable et démocratique pour que Donald Trump reçoive l’appel du jury de Stockholm.
Nicolas de Pape
(Photo : Xinhua/Feng Guorui/ABACAPRESS.COM)