Bruxelles a connu un changement incroyable depuis 2000, un changement qui semble complètement échapper aux Flamands vivant en dehors de Bruxelles et que les politiciens bruxellois francophones ne veulent ou ne peuvent pas voir.
S’il y a bien une chose qui m’a toujours passionné, ce sont les sujets dits contre-intuitifs. En tant que journaliste, il y a toujours le risque de tomber dans la « sagesse conventionnelle » — des choses que tout le monde prend pour acquises mais qui se révèlent fausses. Un bel exemple de cela m’a été donné il y a quelque temps dans un discours de Luckas Vander Taelen, ancien chanteur, journaliste, producteur de télévision et homme politique du parti Groen. Connu des plus anciens téléspectateurs de la RTBF pour le magazine Strip-Tease, dont de nombreux épisodes sont disponibles sur Auvio, Vander Taelen a parlé de l’incroyable transformation de Bruxelles. Une transformation qui échappe totalement aux Flamands extérieurs à la ville et que les politiciens francophones bruxellois ne veulent ou ne peuvent pas percevoir.
Ce qui rendait son discours si intéressant, c’était une analyse pointue des mœurs politiques, tant à Bruxelles que chez les politiciens flamands extérieurs à la ville. Il abordait également le thème sensible du changement démographique et ses conséquences pour la francisation de la capitale.
Plus j’y réfléchis, plus je suis convaincu par son explication. J’ai consulté les chiffres de la « langue-baromètre » initiée par le sociolinguiste Rudi Janssens. La cinquième édition, dirigée par Mathis Saeys (VUB), a été publiée ce printemps et financée par le ministre flamand de Bruxelles. Qu’en ressort-il ? À peine 41 % des Bruxellois ont le français comme langue maternelle d’origine, et seulement 7,5 % le néerlandais. Un tiers des Bruxellois ont grandi dans une famille où ni le français ni le néerlandais n’était parlé.
Un contraste frappant avec l’image que la plupart des Flamands se font de Bruxelles comme ville francophone. Vander Taelen explique cette image erronée par la transformation de Bruxelles après l’an 2000. Le processus de francisation avait déjà dépassé son apogée. Cette francisation, inspirée de la politique linguistique française du XIXe siècle, était très agressive. « Ce cadre de pensée est encore présent dans l’esprit de nombreux politiciens francophones comme Bouchez (MR) et Laaouej (PS) », dit Vander Taelen. Mais la réalité a changé. Après une explosion démographique ces dernières décennies, la situation est différente, 250 000 nouveaux résidents enregistrés se sont installés, plus 50 000 à 100 000 personnes en situation irrégulière, ce qui fait de Bruxelles la ville la plus diversifiée du monde.
Tout cela signifie que les équilibres anciens ont disparu. Ces chiffres sont trop peu connus. Entre-temps, l’enseignement néerlandophone touche un quart de la population totale. Dans les années 1970, au sommet de la francisation, l’enseignement néerlandophone était moribond. « Discrètement, l’enseignement de qualité est devenu l’arme parfaite des Flamands », selon Vander Taelen.
Une mentalité en grande évolution
La conséquence en est que le français ou le néerlandais ne sont pour beaucoup d’habitants qu’une seconde ou une troisième langue. Ainsi, « l’arrogance francophone et même la haine des Flamands » sont partout en déclin, selon Vander Taelen. Cela se traduirait par la baisse de l’ancien FDF et de son successeur Défi, un parti qui n’a jamais eu de base en Wallonie.
Selon Vander Taelen, la génération actuelle de francophones envoie leurs enfants dans des écoles d’immersion francophones (où ils sont plongés dans le néerlandais) et assiste au Théâtre National (de la communauté francophone) aux meilleures pièces flamandes avec des sous-titres. Impensable il y a seulement quelques décennies. La mentalité de la plupart des Bruxellois francophones a radicalement changé.
Cela a-t-il des conséquences politiques ? La situation à Bruxelles n’a jamais été aussi favorable pour les Flamands. Néanmoins, Vander Taelen a souligné un manque manifeste d’attention de la part des dirigeants flamands. Un manque d’intérêt qui pourrait avoir des conséquences. Les Flamands risquent de se présenter à la table des négociations sans préparation et de faire face aux négociateurs expérimentés et bien préparés du PS ou du MR.
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